Rezension über:

Edina Bozóky: Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident. Actes du colloque international du Centre d'Études supérieures de Civilisation médiévale de Poitiers, 11-14 septembre 2008 (= HAGIOLOGIA. Ètudes sur la Sainteté en Occident - Studies on Western Sainthood; Vol. 8), Turnhout: Brepols 2012, 565 S., 12 Farb-, 8 s/w-Abb., ISBN 978-2-503-54487-8, EUR 95,00
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Rezension von:
François Demotz
Lyon
Redaktionelle Betreuung:
Jessika Nowak
Empfohlene Zitierweise:
François Demotz: Rezension von: Edina Bozóky: Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident. Actes du colloque international du Centre d'Études supérieures de Civilisation médiévale de Poitiers, 11-14 septembre 2008, Turnhout: Brepols 2012, in: sehepunkte 13 (2013), Nr. 12 [15.12.2013], URL: https://www.sehepunkte.de
/2013/12/22088.html


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Edina Bozóky: Hagiographie, idéologie et politique au Moyen Âge en Occident

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L'ouvrage s'inscrit dans la série de colloques consacrée à l'hagiographie qu'organise Edina Bozoky (le prochain, en novembre 2013, a pour thème Saints et Barbares. Formation et variantes d'un thème hagiographique). Ces actes du colloque de 2008 rassemblent vingt-sept contributeurs emmenés par des figures de l'hagiographie tels Guy Philippart et Martin Heinzelmann. Leurs noms à eux-seuls illustrent le caractère international de l'étude qui s'étend presque à toute l'Europe chrétienne (seul le monde scandinave est absent) et à l'ensemble du Moyen Âge. La production hagiographique est envisagée de façon large : production de textes mais également de monuments, d'objets ou d'images. C'est dire assez si le livre offre un vaste panorama des champs et des pratiques de la recherche actuelle en hagiographie médiévale, d'autant que l'axe retenu, celui des rapports entre hagiographie, idéologie et politique, est aujourd'hui le plus parcouru. Il a été subdivisé en quatre thèmes, la représentation de la sainteté au haut Moyen Âge, l'hagiographie au service du prestige du passé, la promotion de la sainteté dans les luttes idéologiques et politiques, instrumentalisation de la sainteté et propagande. Si, à la lecture, une telle subdivision peut par moments paraître artificielle tant on est presque en permanence dans les rivalités et les conflits, elle a au moins le mérite de brosser à grands traits une évolution des messages que véhicule l'hagiographie.

De fait, le livre, partant des stratégies d'écritures, confirme d'abord l'existence de deux phases de l'hagiographie altomédiévale : d'abord l'exaltation des grands fondateurs, martyrs ou combattants dont la vie est d'abord une lutte sur le Mal, un combat spirituel ; ensuite, plutôt des figures d'hommes dont les luttes sont inscrites dans un siècle où tous ne sont pas de bons chrétiens. Ce mouvement vers l'inscription de la vie du saint dans le siècle - et donc vers la description du siècle dans lequel le saint doit intervenir - ne fait que croître ensuite notamment avec la querelle des investitures. Au-delà, les stratégies d'écriture varient selon le type d'hagiographe et les cultures régionales. L'hagiographie épiscopale vise en général à établir une autorité dans un cadre hiérarchique (métropolitain, primat, roi...), d'où la récurrence du thème de l'apostolicité, quand le saint abbé/moine a plutôt pour fonction d'assurer une renommée, notamment dans le cadre de rivalités entre établissements ou entre courants monastiques, et la protection généreuse des pouvoirs, si possible royaux. Le rapport du saint au pouvoir laïc, c'est-à-dire au souverain et à son représentant local est donc un thème récurrent. A cet égard, on ne s'étonnera pas des divergences profondes entre une hagiographie respectueuse de l'action politique, en particulier celle du souverain et même celle du saint lui-même, que l'on rencontre dans les zones impériales et celle qui refuse le monde pour exalter un ascétisme radical ou les pratiques érémitiques, en particulier à propos de prélats espagnols ou italiens. Les contributions évoquant des souveraines confirment aussi ce qui a déjà été écrit notamment sur les saintes reines anglo-saxonnes et ottoniennes ou sur la sainteté à caractère familiale.

Le livre peut, à certains moments, paraître univoque et même répétitif du fait du thème - certains contributeurs le relèvent - mais sans doute aussi parce qu'il témoigne des méthodes actuelles. Alors que les mécanismes de commande sont peu abordés (Agnès Dubreuil-Arcin), les médiévistes privilégient l'étude des stratégies, la construction d'un discours de combat, c'est-à-dire le point de vue et l'intérêt de l'auteur/commanditaire dans une situation précise. La surinterprétation guette et il est heureux de voir certaines études démontrer soit l'importance (Jean-Marie Sansterre pour Alphonse X de Castille) soit la modestie (Ralf Lützelschwab pour Edouard III d'Angleterre) de l'utilisation de saints personnages. Klaus Krönert rappelle également que vouloir glorifier un saint et mettre tout en œuvre pour que son église gagne en influence ne sont pas contradictoires et qu'une vie de saint peut être écrite sans visée politique particulière même si ensuite elle trouve un nouvel usage lors de conflits ou dans un contexte modifié. Plusieurs auteurs insistent d'ailleurs sur la diversité propre à l'hagiographie : diversité des auteurs, des sensibilités et des situations qui produit une multitude de modèles et de figures (Anne-Marie Helvétius) ou diversité des mobiles et des situations d'écriture (Michèle Gaillard). On pourrait ajouter diversité des historiens de l'hagiographie. En effet, nombre de contributeurs relèvent l'absence d'une définition de l'hagiographie et de son corpus ou en donnent leur propre vision. Celle-ci va de l'écriture de la vie du saint (sous forme de texte ou d'image) à tout ce qui tourne autour de la mémoire d'un saint, d'une hagiographie stricto sensu centrée sur la construction du discours sur un personnage saint à une conception très large qui englobe toute utilisation d'une figure de la sainteté même en l'absence de récit.

Si l'ouvrage laisse de côté des figures majeures, notamment parce qu'elles ont donné lieu à d'autres manifestations et publications (on songe aux clunisiens et à saint Maurice, sujet d'un colloque organisé par Anne Wagner, contributrice ici), il n'en est pas moins d'une grande richesse - on trouvera là une foule d'exemples - et, ouvert aux doctorants comme aux hagiographes les plus chevronnés, il offre un bon témoignage de la recherche actuelle.

François Demotz