Rezension über:

Michael W. Champion: Explaining the Cosmos. Creation and Cultural Interaction in Late-Antique Gaza (= Oxford Studies in Late Antiquity), Oxford: Oxford University Press 2014, XI + 241 S., ISBN 978-0-19-933748-4, GBP 48,00
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Rezension von:
Catherine Saliou
Université Paris VIII
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Catherine Saliou: Rezension von: Michael W. Champion: Explaining the Cosmos. Creation and Cultural Interaction in Late-Antique Gaza, Oxford: Oxford University Press 2014, in: sehepunkte 15 (2015), Nr. 6 [15.06.2015], URL: https://www.sehepunkte.de
/2015/06/24882.html


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Michael W. Champion: Explaining the Cosmos

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Le Commentaire sur la Genèse de Procope de Gaza et les deux dialogues Théophraste d'Énée de Gaza et Ammonius de Zacharie de Mytilène ont en commun d'avoir été rédigés entre la fin du Ve s. et le début du VIe s. par des auteurs chrétiens originaires de Gaza qui n'étaient pas de purs philosophes. Au-delà d'une étude strictement philosophique ou littéraire de ces œuvres, M.W. Champion en propose une approche relevant à la fois de l'histoire culturelle et de l'histoire intellectuelle. La première partie du livre est consacrée aux cultures gazéennes. Ce pluriel est justifié de façon convaincante dans le premier chapitre, où M.W. Champion définit la notion de "culture locale": elle s'applique, au sein d'une société donnée, à un sous-groupe caractérisé par une combinaison de traits spécifiques qui peuvent entrer en tension avec la société dans son ensemble ou avec d'autres cultures locales. Il y présente également sa méthode, que l'on pourrait qualifier de pragmatique, voire praxéologique, et qui consiste à mettre en évidence les problèmes intellectuels et culturels rencontrés par les acteurs historiques et les solutions qu'ils ont mises en œuvre. Les deux chapitres suivants sont consacrés d'abord à une présentation de Gaza dans l'Antiquité tardive, puis à l'identification du problème auquel les trois auteurs considérés, d'après M.W. Champion, avaient à faire face: limiter le pouvoir des néoplatoniciens païens dans les écoles, sans pour autant diminuer le prestige attaché à la culture classique. La seconde partie du livre, plus développée que la première, est consacrée au problème philosophique de la création du monde. L'auteur présente tout d'abord les approches chrétiennes et néoplatoniciennes de ce problème, et souligne que l'originalité d'Énée, Zacharie et Procope est non seulement d'intégrer à leur réflexion l'apport du néoplatonisme, mais aussi de concevoir leurs propres ouvrages à l'intention des membres des écoles de rhétorique et de philosophie. Les chapitres suivants offrent une analyse détaillée du traitement du problème de la Création dans le Commentaire sur la Genèse de Procope, puis dans les ouvrages d'Énée et de Zacharie et les fragments conservés de la Refutatio Procli de Procope. Une conclusion clôt l'ensemble.

La notion d'"école", récurrente dans l'ouvrage, mérite réflexion. Le terme peut renvoyer à un cercle intellectuel, voire à une simple tendance de pensée ou à une communauté de pratiques. En ce sens, il est légitime de considérer qu'Énée, Procope et Zacharie relevaient de la même "école". Encore faudrait-il présenter avec plus de précision les liens personnels et intellectuels qui les unissaient. L'hypothèse selon laquelle Zacharie serait le frère de Procope, simplement signalée (12), devait être examinée avec attention: dans le cadre d'une réflexion sur les relations intellectuelles que ces deux auteurs pouvaient entretenir, elle n'a rien d'anecdotique. La datation de l'Ammonius [1] aurait aussi mérité d'être discutée à nouveaux frais. En effet, si le dialogue a été rédigé après 518, les préoccupations de son auteur, installé depuis longtemps à Constantinople et désormais rallié à l'orthodoxie chalcédonienne, n'étaient plus les mêmes que vers 490, et son caractère "gazéen" avait dû quelque peu s'estomper. L'hypothèse d'un remaniement, qui a également été proposée, est rejetée trop légèrement (13-14). Elle ne peut être infirmée ou vérifiée que par une étude précise de l'Ammonius et de ses relations avec le Théophraste - ce qui était précisément le projet de M.W. Champion. On ne peut que regretter cette occasion manquée.

Le mot "école" peut aussi désigner une institution d'enseignement, et c'est apparemment en ce sens que l'emploie M.W. Champion, qui l'utilise toujours au pluriel. Or si Énée et Procope ont enseigné à Gaza, ce n'est pas le cas de Zacharie. De plus, sur l'organisation de l'enseignement à Gaza, nos connaissance actuelles sont modestes et surtout très floues. Une mise au point aurait été nécessaire et utile, et constituait un préalable indispensable à l'examen de la question de l'éventuelle concurrence d'enseignants païens. Cette concurrence est affirmée à plusieurs reprises (17; 134) mais n'est pas avérée. La présence d'intellectuels païens dans la cité (34) n'implique pas que ces derniers y enseignaient.

Au-delà de la confrontation avec le néoplatonisme, les débats au sein du christianisme ne sont abordés qu'à propos de l'origénisme (40, 109, 174-182), alors que M.W. Champion souligne que les problèmes abordés par les auteurs considérés sont des problèmes spécifiquement chrétiens (104): la discrétion, pour ne pas dire l'absence, des références au mouvement antichalcédonien étonne.

Enfin, il faut malheureusement regretter un certain nombre d'erreurs ou d'approximations: Stéphanos n'est pas gouverneur "de Césarée", mais de Palestine Ière (23); l'église Irène ("Paix") est ainsi désignée conformément à une pratique bien attestée en matière d'onomastique ecclésiale, elle n'est pas dédiée à une sainte portant ce nom (26); Chorikios ne dit pas que l'évêque Markianos a assuré l'intérim de la direction de l'école de rhétorique à la mort de Procope (28), le passage cité (Oratio Funebris in Procopium 50 [2]) a été mal compris; Chariton est une figure fondatrice du monachisme judéen, non gazéen (39, n. 83); la lettre 13 d'Énée de Gaza concerne le cas particulier d'un pédagogue devenu aveugle et ne dit rien des conditions normales de fonctionnement ou de financement de l'école de rhétorique (42). Il ne s'agit là que de détails, mais la liste pourrait être plus longue et l'accumulation de ces petites imperfections finit par nuire à l'efficacité de l'ensemble.

La volonté de l'auteur de ne pas dissocier l'étude des œuvres intellectuelles de celle de leur contexte de production est fort louable. Toutefois, issu d'une thèse, cet ouvrage doit être pris pour ce qu'il est: un point de départ plus qu'un aboutissement. L'examen des textes conduit dans la seconde partie constitue une contribution originale, appuyée sur des analyses précises, à leur compréhension et à leur interprétation, mais il faut bien avouer qu'il apporte peu à la connaissance de la société et de l'histoire de Gaza. Le mariage de l'histoire et de la philosophie n'en est pas moins une belle idée, et M.W. Champion a le mérite de proposer une lecture de textes difficiles et encore peu étudiés, et d'en mettre en évidence l'intérêt et la richesse.


Notes:

[1] Cf. M. Minitti Colonna (ed.): Zacaria Scolastico, Ammonio, Napoli 1973 (44-45). Plus récemment, Ed. Watts: "The Enduring Legacy of the Iatrosophist Gessius", Greek, Roman and Byzantine Studies 49 (2009), 113-133 (120, n. 19; 121-122).

[2] Voir la note de Claudia Greco dans son édition traduite et commentée: Coricio di Gaza: Due orazioni funebri, Alessandria 2010 (195).

Catherine Saliou