Markus Handy: Die Severer und das Heer (= Studien zur Alten Geschichte; Bd. 10), Berlin: Verlag Antike 2009, 283 S., ISBN 978-3-938032-25-1, EUR 49,90
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Cette thèse d'université porte la marque d'une érudition qui s'inscrit dans la plus belle tradition allemande; chaque paragraphe a été écrit à partir des meilleurs auteurs et constitue une étude en soi. Non seulement l'auteur a beaucoup lu, mais il a su critiquer les sources, surtout littéraires et épigraphiques; pour les inscriptions, il a été à bonne école.
L'introduction présente donc un aspect très scolaire. M. Handy part d'une célèbre citation de Dion Cassius (77, 15, 2). Au moment de mourir, Septime Sévère aurait donné à ses fils un ultime conseil formulé en des termes qui font penser que ce texte est trop beau pour être vrai: «Restez unis, enrichissez les soldats et moquez-vous du reste». L'historiographie, logiquement examinée en premier dans cette introduction, commence avec les Œuvres d'A. Birley (Septimius Severus, The African Emperor, Londres, 1999, 320 p.) et de J. Spielvogel (Septimius Severus, Darmstadt, 2006, 240 p.); bien sûr, elle mentionne aussi d'autres travaux importants qui concernent l'armée et la Germanie, l'armée et la politique, les types d'unités notamment. Très logiquement, une bonne présentation des sources littéraires complète ce paragraphe. Puis quelques lignes sont consacrées à l'épigraphie et à la numismatique. La papyrologie a été peu sollicitée, et l'archéologie encore moins, ce qui est dommage car les arcs de Septime Sévère qui ont été installés dans Rome apportent des informations sur l'armée et ses relations avec le pouvoir (sur l'un d'eux, on verra R. Brilliant, 1967, The Arch of Septimius Severus in the Roman Forum, MAAR, 29, Rome, 271 p.).
Le corps de l'ouvrage, découpé suivant un plan thématique et pas chronologique, est composé de trois vrais chapitres et d'un appendice consacré aux monnaies. Le premier chapitre présente l'empereur comme soldat. Il étudie chaque souverain pour voir comment il a été initié au fait militaire, et quelle place les commandements ont occupée dans sa carrière avant qu'il n'accédât à l'empire. On voit ainsi que Septime Sévère a été mis à la tête d'une grande armée, que Caracalla a suivi son père pour apprendre «sur le tas» et que Macrin était un juriste devenu militaire par nécessité. Élagabal a accordé peu d'importance à ce type d'activités, alors que Sévère Alexandre est vite devenu un jeune et brillant stratège. Les liens de parentés, - deuxième paragraphe -, ont pu contribuer à renforcer les liens avec l'armée: entre Septime Sévère et Caracalla, entre Élagabal et Sévère Alexandre. Puis on revient sur la carrière militaire des souverains, et ils sont repris dans l'ordre chronologique: Septime Sévère, Caracalla, Macrin, Élagabal et Sévère Alexandre. On voit alors les limites du plan choisi: d'une part il entraîne des répétitions (sur Macrin, 39-40 et 68); et, surtout, il ne permet pas de mettre en valeur la vraie évolution: Septime Sévère fut à la fois un réformateur et un stratège, alors que ses successeurs se bornèrent à commander. Suit une analyse de la politique extérieure, qui reprend la chronologie: guerres contre l'Iran et en Bretagne sous Septime Sévère, contre les Germains sous Caracalla, de nouveau problème iranien pour Macrin, et encore guerre en Orient pour Sévère Alexandre, puis sur le Rhin.
Le deuxième chapitre étudie l'armée comme source du pouvoir. L'auteur montre d'abord comment la pourpre peut être prise grâce à l'armée. Sont alors examinés les liens qui se sont créés d'abord entre Septime Sévère et la IVe légion Scythique, ensuite entre Caracalla, l'armée de Bretagne et les prétoriens, enfin entre Élagabal, la IIIe légion Gallica de Raphanae et la IIe légion Parthique alors à Apamée. Il rappelle ensuite comment l'empereur peut conserver son autorité en s'appuyant sur la troupe. On retrouve les souverains l'un après l'autre, avec une conclusion importante: cette période a vu se multiplier les révoltes militaires, que nous appelons des coups d'État; cette évolution fut à la fois nouvelle et grave.
Dans le troisième chapitre, M. Handy décrit la politique qui a été suivie dans le domaine militaire. Le commandement a subi quelques transformations, de nouveaux postes ont fait leur apparition, des légions ont été créées, la garnison de Rome a été accrue, et les vexillations ont été davantage sollicitées. L'auteur reprend les thèses traditionnelles sur l'essor de la cavalerie (179-180) et sur la multiplication des numeri (180-186); peut-être aurait-il fallu les critiquer. Nous croyons en effet que ce sont là deux mythes. Le rôle des exploratores et des frumentaires paraît avoir été accru. On suit ensuite l'évolution des commandements sénatoriaux, qui ont connu un net déclin, et des commandements équestres, qui ont connu un net essor; les préfets du prétoire, comme on sait, ont fait et défait les empereurs. Enfin, une série de réformes ont donné aux soldats une nouvelle place dans la société. La question du mariage des soldats (212-217) a été réglée par un livre oublié dans cette thèse: S. E. Phang, The marriage of Roman soldiers (13 B.C.-A.D. 235). Law and family in the imperial army, Columbia studies in the classical tradition, 24, 2001 (Leyde-Boston, Mass.), VI-470. Les militaires vivaient de plus en plus souvent en ville; ils ont reçu des augmentations de soldes, sous Septime Sévère et Caracalla, ainsi que divers avantages financiers. Enfin, le pouvoir a amélioré le circuit de l'approvisionnement, la logistique; c'est tout le problème de l'annone militaire. Un quatrième chapitre, un peu en marge des précédents, traite de numismatique, et examine la présence de l'armée sur les monnaies sévériennes. L'auteur reprend la chronologie pour des conclusions qui auraient gagné à être insérées dans les paragraphes précédents.
M. Handy a écrit un livre érudit et qui sera indispensable pour tous les chercheurs qui voudront écrire soit sur l'armée soit sur les Sévères. En rassemblant différemment la matière, on aurait pu mieux montrer ce qui nous semble essentiel: Septime Sévère a été le premier grand réformateur de l'armée romaine après Auguste; en plus, il a mené des guerres victorieuses. Ses successeurs n'ont pas beaucoup modifié les structures, mais ils ont été contraints de faire face à la fois aux ennemis de l'extérieur et de l'intérieur, aux barbares et aux coups d'État.
Yann Le Bohec