Richard Alston / Onno van Nijf (eds.): Feeding the Ancient Greek City (= Groningen-Royal Holloway Studies on the Greek City after the Classical Age; Nr. 1), Leuven: Peeters 2008, XI + 207 S., ISBN 978-90-429-2037-8, EUR 75,00
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Voici la première publication d'un groupe de travail international dont l'objectif est l'étude des cités grecques "après l'âge classique", c'est-à-dire d'Alexandre à Justinien. Il s'agit des Actes d'un colloque qui s'est tenu à Athènes en 2004 et qui a porté sur un thème précis, comme on le voit, dont les deux champs d'investigation étaient d'une part les structures liant les cités et leur chôra, d'autre part les institutions réglant leur approvisionnement. On y trouve neuf contributions encadrées par une introduction de R. Alston et un "Epilogue" de H.W. Pleket. Tout en résumant les différents articles, R. Alston s'est efforcé de les situer dans une perspective générale en rappelant quelques notions de base: l'Antiquité fut marquée par une forte urbanisation et les "cités" y ont joué un rôle de premier plan, mais leur taille et leur importance ont beaucoup varié dans le temps et dans l'espace; pour se nourrir, les plus modestes comme les plus grandes avaient besoin d'un arrière-pays productif et souvent du commerce extérieur, car l'agriculture de subsistance a de tout temps côtoyé la mise en marché. Quant à H.W. Pleket, il a ajouté des remarques critiques qui sont mises à profit ci-dessous.
En tête, J. Bintliff présente un modèle général de ce qu'on peut appeler l'espace vital des cités classiques, avec des exemples de l'Attique, de la Béotie, de la Maurétanie et de l'Est de l'Angleterre: l'habitat groupé s'est d'abord développé dans des niches écologiques dont les limites étaient naturelles et accessibles à pied, puis des cités ont étendu leur territoire, mais les plus vastes, comme Athènes, ont conservé des unités de base plus réduites, comme les dèmes. La plupart des autres articles offrent des études cas et sont consacrés avant tout au ravitaillement en grain. Si on les range dans l'ordre chronologique plutôt que dans celui du volume, on constate que la contribution de G.R. Tsetskhladze se situe hors du champ fixé par les éditeurs, car elle revient sur la question de l'exportation du grain de la Mer Noire vers la Grèce à la période classique: l'auteur prétend que les envois du Bosphore Cimmérien vers Athènes n'ont eu lieu que façon irrégulière, pour remédier à des périodes de disette, et se sont limités à une courte période allant de la fin du Ve siècle au milieu du IVe. Or, comme H.W. Pleket le souligne de son côté, cette position paraît difficilement défendable au regard des nombreux témoignages de Démosthène. Un seul article porte ensuite sur la période hellénistique et concerne les cités plutôt excentriques de Séleucie du Tigre et de Babylone: à partir de surveys effectués dans trois régions voisines et donc utilisés comme parallèles, R.J. van der Spek conclut que la mise en valeur de l'arrière-pays s'est accrue avec le temps et permettait d'approvisionner les deux villes, bien que les prix fussent marqués par une grande volatilité, comme le note H.W. Pleket, à cause de l'absence d'un marché intégré du grain. Toutes les autres contributions sont consacrées à la période impériale et peuvent être regroupées selon les thèmes suivants. L'exploitation des arrières-pays fait l'objet de deux études, l'une sur Antioche sous le Haut Empire, l'autre sur Hermopolis Magna, en Égypte, au milieu du IVe siècle. La mégalopolis d'Antioche fournit un bel exemple de cité consommatrice vivant en symbiose avec la vallée fertile de l'Amuq et les hauteurs du Jebel al-Akra, dont elle tirait, par l'intermédiaire du marché, une grande variété de denrées qui se distribuaient en cercles concentriques allant de l'horticulture aux céréales (A.U. De Giorgi, dont l'utilisation des textes de Malalas est cependant critiquée par H.W. Pleket). Dans l'agglomération moyenne d'Hermopolis, comme le montrent des calculs effectués à partir de registres de la cité, une minorité de gros propriétaires possédait la plupart des terres environnantes et les tenanciers ravitaillaient la ville par un système de marché (L.E. Tacoma). On trouve aussi deux études de textes. Dans l'inscription I. Kibyra 41, qui rendait hommage à Veranius Philagros, au Ier siècle de notre ère, et mentionnait entre autres une synômosia, Chr. Kokkinia voit la conspiration d'un petit groupe qui tentait de manipuler les prix du grain; mais, pour H.W. Pleket, cette interprétation est sans doute trop ingénieuse et l'intervention impériale visait peut-être simplement à mieux équilibrer les arrivages. [1] La loi par laquelle Hadrien a voulu assurer un approvisionnement adéquat d'Athènes en huile à un prix raisonnable (IG II2, 1100) combinait le respect de institutions locales et l'intervention de l'empereur comme nomothète (K. Harter-Uibopuu), mais il n'est pas certain que le moyen choisi ait été la vente forcée, car il existait peut-être un fonds public pour l'huile, comparable à ceux du grain, auquel il fallait assurer un minimum (H.W. Pleket). Enfin, prenant la suite de J.H.M. Strubbe dont les études ont montré que les fonds publics destinés à l'approvisionnement en grain se sont généralisés dans les cités d'Asie Mineure à partir du Principat (EA 10, 45-81, et 13, 99-121), P. Erdkamp et A. Zuiderkoek reviennent sur la question des interventions publiques dans ce domaine: l'essentiel du commerce est toujours resté aux mains de l'entreprise privée, mais l'institution permanente de la sitônia au niveau municipal dépassait le problème des disettes en assurant une plus grande stabilité dans le ravitaillement et les prix. Comme A. Zuiderkoek le souligne, il ne s'agissait pas de réserves en nature, qui avaient l'inconvénient d'être périssables, mais de fonds consolidés grâce aux revenus publics, auxquels pouvaient s'ajouter des donations impériales ou privées, par exemple de la part des sitônai eux-mêmes. Mais cela valait surtout pour l'Orient romain, comme le note P. Erdkamp, car les édiles et les citoyens riches jouaient un rôle plus important en Occident.
Les deux tiers des contributions portent donc sur la période impériale. Le lecteur apprécie assurément leur intérêt, de même que le soin avec lequel le volume et les index sont présentés. Mais il est surpris et déçu par l'absence des cités hellénistiques, dont Séleucie et Babylone ne sont pas des exemples représentatifs. En effet, ce choix (ou ce hasard) prive le volume d'une perspective à long terme, qui aurait pu mettre en lumière l'évolution et la complémentarité des différents moyens de ravitaillement: auto-subsistance, commerce local, régional et lointain, générosités des particuliers, des rois et des empereurs, interventions publiques. L'un des bénéfices d'un retour sur des questions déjà relativement bien connues aurait été de souligner, par exemple, que l'exploitation des arrières-pays et des réseaux de proximité est restée un moyen fondamental marqué par de longues permanences, mais qu'elle fut progressivement complétée par des interventions publiques de plus en plus larges.
Annotation:
[1] Je note aussi que, si elle avait consulté mon livre L'emprunt public dans les cités grecques, Québec-Paris, 1984, nº 85, Chr. Kokkinia aurait correctement compris le terme hypothèkè dans le décret d'Érythrées en l'honneur de Polycritos.
Léopold Migeotte