Rezension über:

Guy MacLean Rogers: The Mysteries of Artemis of Ephesos. Cult, Polis, and Change in the Graeco-Roman World (= Synkrisis), New Haven / London: Yale University Press 2012, XII + 500 S., ISBN 978-0-300-17863-0, GBP 29,95
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Rezension von:
Gabrielle Frija
Équipe d'Accueil 3350 «Analyse comparée des pouvoirs», Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Champs-sur-Marne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Gabrielle Frija: Rezension von: Guy MacLean Rogers: The Mysteries of Artemis of Ephesos. Cult, Polis, and Change in the Graeco-Roman World, New Haven / London: Yale University Press 2012, in: sehepunkte 13 (2013), Nr. 10 [15.10.2013], URL: https://www.sehepunkte.de
/2013/10/22802.html


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Guy MacLean Rogers: The Mysteries of Artemis of Ephesos

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Guy MacLean Rogers propose une histoire des mystères d'Artémis sur la longue durée, de leur origine supposée au IVe siècle a.C. à leur disparition dans les années 260 p.C. L'auteur s'est fixé pour objectif de suivre les évolutions de ce culte particulièrement célèbre dans l'Antiquité durant plus de 500 ans et de les expliquer en les resituant dans l'histoire générale de la cité d'Éphèse. Dans la tradition des travaux de W. Burkert, il démontre avec force arguments que les mystères d'Artémis sont un élément du polythéisme poliade et non une pratique marginale liée à la recherche d'un salut personnel que n'offrirait pas la religion collective. Dans la dynamique du polythéisme, système de croyance et de pratique flexible, les mystères ont survécu parce qu'ils ont été en permanence adaptés par les autorités qui en avaient la charge.

L'ouvrage est organisé de façon chronologique, ce qui permet d'examiner de près chaque évolution du rite. À côté de sources essentiellement épigraphiques, l'historien dispose de quelques textes, notamment une description de Strabon qui montre que les mystères sont organisés tous les ans pour célébrer la naissance d'Artémis à Ortygia, au sud-ouest d'Éphèse. C'est en ce lieu que, selon le mythe, les kourètes ont protégé Léto de la jalousie d'Héra lors de la naissance d'Artémis et d'Apollon en frappant leurs armes sur leurs boucliers. Guy MacLean Rogers part à la recherche des origines de ces mystères dont les premières attestations épigraphiques n'apparaissent qu'à la fin du IVe siècle, dans le contexte des guerres entre les successeurs d'Alexandre. Il suppose que le rite était déjà en place au milieu du IVe siècle, mais que son développement est lié à l'activité des premiers rois hellénistiques. C'est en effet Lysimaque qui, lors de la refondation de la cité en Arsinoé, semble avoir placé les mystères d'Ortygia - mais aussi l'Artémision - sous l'autorité de la cité et, plus précisément, de la gérousia. L'intégration des mystères dans le calendrier religieux d'Éphèse serait donc un aspect de l'intervention de Lysimaque. Près de 250 ans plus tard, c'est également l'intervention d'une autorité extérieure qui modifie l'organisation du culte: Auguste déplace les kourètes de l'Artémision au prytanée et donne au prytane un rôle majeur, au détriment des prêtres de l'Artémision, dont l'autonomie est fortement réduite. À partir de cette époque, les mystères comprennent une initiation dont l'origine ne peut pas être déterminée. A l'âge d'or d'Éphèse, au Ier et surtout au IIe siècle p.C., les listes annuelles de kourètes permettent d'entrevoir le fonctionnement de cette association composée de membres des riches familles éphésiennes: très tôt composée d'une majorité de citoyens romains, elle constitue un véritable "club" de la bonne société éphésienne, sous l'autorité du prytane dont le rôle ne fait que croître au cours du Haut-Empire. Le développement des mystères suit celui de la cité et connaît un apogée dans la première moitié du IIe siècle. Les kourètes ne sont alors plus des spécialistes du culte: le prytane dirige une véritable équipe d'experts du rite, dont des hiérophantes probablement chargés de la révélation. Le contenu de l'initiation, en revanche, reste dans l'ombre, mais l'auteur émet une hypothèse très convaincante: en rejouant la naissance d'Artémis, le rite réaffirmerait le "contrat" de protection mutuelle entre la cité et Artémis. Il est d'ailleurs probable que les initiés venaient demander à Artémis des "services" concrets et non une promesse de salut après la mort. C'est cette protection qui ne fonctionne plus au milieu du IIIe siècle, lorsqu'Éphèse est confrontée non seulement aux difficultés générales de l'Empire, mais aussi à un violent séisme immédiatement suivi du dévastateur raid goth de 262. Les mystères d'Ortygia disparaissent alors et Artémis perd du terrain par rapport à d'autres divinités poliades, avant que l'expansion du christianisme ne les fasse toutes disparaître.

Guy MacLean Rogers parvient à proposer une histoire cohérente à partir de sources elliptiques et sa démonstration convainc largement. C'est également l'occasion de faire le point sur des moments importants de l'histoire d'Éphèse, notamment la véritable révolution que constitue la refondation par Lysimaque. Le choix de la présentation chronologique, bien qu'elle implique quelques répétitions, est particulièrement judicieux. Les mystères d'Artémis trouvent ici leur place dans le fonctionnement du polythéisme éphésien: loin d'être marginaux, ils sont entre les mains des familles qui dominent politiquement et économiquement la cité d'Éphèse. Leur disparition est liée à une déception: le do ut des ne fonctionne plus lorsque la cité est plongée dans une crise extrêmement grave. Les réflexions finales de l'auteur sur la crise du polythéisme sont tout à fait passionnantes; les rapprochements conclusifs avec l'évolutionnisme darwinien et les neurosciences paraissent en revanche moins indispensables pour montrer que les cultes antiques sont capables d'adaptation aux contextes politiques international et local et que, s'ils ont survécu, c'est qu'ils étaient efficaces aux yeux de ceux qui les pratiquaient. Mais cela n'enlève rien à la qualité de cette synthèse claire et dynamique sur le culte d'Artémis à Éphèse, dont l'auteur rappelle à juste titre l'immense prestige aux époques hellénistique et impériale.

Gabrielle Frija