Sarah B. Pomeroy: Pythagorean Women. Their History and Writings, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2013, XXII + 172 S., ISBN 978-1-4214-0956-6, GBP 32,00
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Sarah B. Pomeroy est la spécialiste reconnue de la condition des femmes dans la société antique et de la littérature au féminin. Dans son livre récent intitulé 'Pythagorean Women. Their History and Writings', elle présente une synthèse claire et efficace sur le rôle que les femmes pythagoriciennes ont joué dans la culture grecque.
On peut dire, dès maintenant, qu'il s'agit d'une recherche bien organisée et développée, qui couvre une large série de sujets, de la littérature à l'archéologie et à l'histoire politique, sociale et intellectuelle entre la Grande Grèce et l'est du bassin méditerranéen.
Après les pages de l'introduction (xv-xxii), le livre se décline en sept chapitres (le septième sur la pensée philosophique des Néopythagoriciennes a été écrit par Vicki Lynn Harper).
Dans les trois premiers chapitres (1. 'Who Were the Pythagorean Women?'; 2. 'Wives, Mothers, Sisters, Daughters' et 3. 'Who Were the Neopythagorean Women?', 1-53), Pomeroy dépeint le cadre historique et social où vécurent les femmes pythagoriciennes et brosse les portraits des principales représentantes (Jamblique énumère les dix-sept plus remarquables à la fin de sa 'Vie de Pythagore', § 267, après les hommes de la même école qui se sont fait une réputation). Pomeroy partage ces femmes en deux groupes: un premier dont font partie les femmes contemporaines de Pythagore et un deuxième formé des descendantes intellectuelles des précédentes, les Néopythagoriciennes auteurs de plusieurs textes littéraires. Tandis que le premier groupe avait vécu à l'époque archaïque et classique, le deuxième (avec une seule exception) est daté par Pomeroy (à la suite de Thesleff) à l'époque hellénistique. Ces dernières avaient composé plusieurs lettres ainsi que des traités en dialecte ionien et dorien et en koïnè attique. Pomeroy décrit avec beaucoup de détails non seulement l'activité intellectuelle de ces personnages, mais aussi leur vie quotidienne dans le milieu familial et social et en établit le rôle dans la société pythagoricienne contemporaine en tant que femmes et philosophes. Le chapitre quatre comprend une succincte introduction aux textes en prose de ces auteurs (54-65). Pomeroy discute, en s'adressant notamment à un publique de lecteurs qui ne sont pas des spécialistes de l'Antiquité, les éléments biographiques des Pythagoriciennes et résume le contenu des lettres et traités qu'elles ont écrits.
La partie la plus importante du volume est, sans aucun doute, celle qui occupe les chapitres 6 et 7. Pomeroy publie une traduction anglaise moderne de tous les textes des femmes Pythagoriciennes (en large partie transmis dans l' 'Anthologie' de Stobée, au Vème siècle de notre ère) à partir du texte grec édité par H. Thesleff ('The Pythagorean Texts of the Hellenistic Period', Åbo 1965). Il s'agit de lettres et de traités qui discutent des arguments d'éthique et qui sont adressés par des femmes à d'autres femmes: Theanô I écrit 'Sur la pitié'; Périctionè I 'Sur l'harmonie de la femme' tandis que Périctionè II discute 'Sur la sagesse'; Aisara 'Sur la nature humaine' et Phynthis de Sparte 'Sur la modération des femmes'). Le traité de Ptolémaïs de Cyrène sur la musique était célèbre, et il est cité à plusieurs reprises par Porphyre dans son 'Commentaire les 'Harmoniques' de Ptolémée'. Pomeroy date ces auteurs et ces textes à l'époque hellénistique et les range en suivant l'ordre alphabétique des auteurs, mais en les distinguant selon un critère géographique: auteurs qui ont vécu dans la Grande Grèce dans le Sud de l'Italie (chap. 5) et auteurs de la Grèce (chap. 6). Ces deux chapitres sont organisés de la même manière: introduction sur l'auteur, traduction des textes (de Pomeroy, de Lynn Harper ou d'autres savants), bref commentaire.
Le chapitre 7 (117-38: 'The Neopythagorean Women as Philosophers') par V. Lynn Harper a comme but celui d'expliquer les raisons pour lesquelles les œuvres des Pythagoriciennes doivent être considérées comme textes philosophiques et dans quel sens on doit interpréter l'adjectif 'pythagoricien'. Les résultats sont fort intéressants dans la mesure où l'analyse de ces textes se révèle ''consistent with the role of perception and experience in Pythagorean epistemology'' et que l'on peut arriver à la conclusion que ''Pythagorean women writers were innovative as well'' par rapport aux principes du Pythagorisme traditionnel.
Les notes suivent l'ensemble des sept chapitres (139-65). Un index général (167-72) complète le volume et en facilite la consultation de même que la chronologie (xiii-xiv) et les cartes géographiques (2-4).
Pomeroy part du présupposé que toutes les Pythagoriciennes sont des figures réelles et non imaginaires, que les textes qui sont transmis sous leur nom sont authentiques et remontent à l'époque hellénistique, que ces auteurs étaient réellement des femmes et non des hommes qui auraient choisis des pseudonymes féminins. Je ne mets pas en doute la possibilité que les auteurs des textes étaient des femmes. Cicéron lui même ('De natura deorum' 1.93) savait que l'épicurienne Léontion avait écrit un livre de forme élégante, attique, contre Théophraste. Je serais cependant plus sceptique en ce qui concerne leur identité avec des figures plus ou moins connues de la littérature pythagoricienne et de l'histoire grecque (par exemple: Périctionè I identifiée avec la mère de Platon) et sur l'authenticité d'une partie au moins de ces textes. En d'autres paroles, je continue à voir dans la plupart de ces textes des pseudépigraphes dont les rédacteurs pouvaient bien être des femmes savantes, qui avaient 'caché' leur identité réelle sous le pseudonyme de Pythagoriciennes illustres.
Ce que je viens de dire ne remet nullement en doute l'importance et la nécessité du volume de Pomeroy, qui contribue à remplir une lacune dans l'histoire de la littérature et de la culture philosophique de l'Antiquité grecque. L'opportunité de disposer d'une traduction anglaise complète de tous ces textes rend en outre un très grand service aux lecteurs et contribue d'une manière incontestable à élargir les connaissances du Pythagorisme dans un milieu culturel plus vaste que celui des érudits.
S'il y a une remarque à faire, celle-ci concerne éventuellement une lacune dans la bibliographie (pour le reste, limitée sur ce sujet). On ne pourra que regretter que ni Pomeroy ni Lynn Harper n'aient pas tenu compte des nombreuses notices consacrées aux Pythagoriciennes dans les volumes du 'Dictionnaire des Philosophes Antiques' édité par R. Goulet (Paris 1989-, qui s'arrête, à aujourd'hui, à la lettre R). Parmi celles-ci, je ne signale que les notices récentes sur 'Périctionè', 'Phintys' et 'Ptolémaïs' dans le tome V (Paris 2012, p. 231-4, 581-2 et 1717-8) rédigées par C. Macris.
Tiziano Dorandi