Clara Maillard: Les papes et le Maghreb aux XIIIème et XIVème siècles. Étude des lettres pontificales de 1199 à 1419 (= Religion and Law in Medieval Christian and Muslim Societies; 4), Turnhout: Brepols 2014, 516 S., ISBN 978-2-503-55229-3, EUR 79,00
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Diego Deleville: Les Italiens en Dauphiné à la fin du Moyen Âge. Crédit, finance, pouvoir, Grenoble: Presses universitaires de Grenoble 2012
Murielle Gaude-Ferragu / Bruno Laurioux / Jacques Paviot: La Cour du Prince. Cour de France, cours d'Europe, XIIe - XVe siècle, Paris: Editions Honoré Champion 2011
Clara Maillard propose une analyse des stratégies pontificales au Maghreb, effectuée à partir des bulles conservées aux Archives secrètes du Vatican. L'ouvrage, de 516 pages, se compose de 377 pages sur la politique musulmane de la papauté, de l'édition des lettres des papes publiées en annexes, de 11 pages d'index, 8 de sources, 15 de bibliographie, 25 de tableaux issus de la base de données, d'une liste des papes et des évêques de Marrakech.
Pour dépasser les thématiques les plus généralement abordées, la croisade ou la diabolisation progressive des musulmans, cibles de la guerre sainte, l'auteur s'attache à étudier les enjeux politiques et religieux de la papauté dans le Maghreb, ainsi que la politique des pontifes pour ces régions du pontificat d'Innocent III, en 1198, jusqu'à la fin du Grand Schisme, en 1419. Le livre est divisé en quatre parties thématiques inégales, la première est une présentation du corpus épistolaire et des correspondants (30-43), la deuxième présente les relations des Sarrasins d'Occident (musulmans) avec le Saint-Siège (45-205), la troisième porte sur les relations de la papauté avec les chrétiens du Maghreb (207-341), enfin, une dernière partie "Histoires et diplomatie" s'intéresse à l'écriture et la perception pontificale du Maghreb (343-385).
La première partie, prolongement de l'introduction, est une présentation du fond rassemblé. Le corpus constituant la correspondance entre papauté et Maghreb, est de 201 lettres écrites entre 1199 et 1419. Les envois ont eu lieu principalement durant les XIIIe et XIVe siècles. Les lettres sont adressées à des princes européens, des souverains musulmans, à des ecclésiastiques, ou aux chrétiens d'Afrique. Les thématiques abordées sont la croisade, la conversion des musulmans, la protection des chrétiens d'Afrique, l'organisation des structures ecclésiastiques ou bien la piraterie. La correspondance montre que du XIIIe siècle au début du XVe siècle, la papauté a essayé d'étendre son influence sur le Maghreb et celle de la foi catholique. Dans ce but, les stratégies pontificales ont été diverses. Tout d'abord, les papes tentent tout autant de convertir les souverains musulmans d'Afrique du Nord, que de soutenir les missions des frères mendiants ou bien de protéger les chrétiens. Ensuite, les souverains pontifes ont appuyé les expéditions militaires des princes chrétiens.
Clara Maillard propose alors une présentation chronologique des lettres qui ont émaillé les relations entre Maghreb et papauté. Les Franciscains sont au cœur des échanges, notamment leur martyre après le massacre de 1220, en contradiction de ce qui est dit plus tard (360). Les papes ont toutefois favorisé leur envoi, ainsi que celui des Dominicains, dans les années 1230. La papauté porte beaucoup d'espoir dans la prédication des frères mineurs et des frères prêcheurs pour convertir les musulmans (90). Les conversions sont toutefois restées des cas isolés. Au milieu du XIIIe siècle, le sort des chrétiens, notamment des marchands, devient une préoccupation majeure du pape. C'est aussi l'époque d'une possible relance de la Croisade (102), dont le pape Innocent IV était un grand défenseur. Une croisade en collaboration avec le roi d'Aragon semble avoir été envisagée dès les années 1245, elle est effective en 1260. Ensuite, la correspondance entre les pontifes et les souverains du Maghreb, sporadiques, ont ancré l'idée d'une pénétration chrétienne, alors qu'aucune fissure n'est venue ébranler les souverains maghrébins suite aux démarches chrétiennes. Les écrits prosélytes ont alors cessé. En 1269, la chute des Almohades arrête la relation épistolaire particulière qu'ils entretenaient avec les pontifes. Ensuite, l'Afrique est perçue comme un espace dangereux et menaçant, d'où le siège de Tunis par Saint Louis en 1270 (134). L'auteur présente aussi l'action de Ramòn Llull au Maghreb entre 1292 et 1315 (157-166) qui n'a pas suscité de conversions, mais qui permis la circulation de ses ouvrages. Les relations entre les papes et le Maghreb sont distanciées, même si Jean XXII accorde une décime en 1316 au roi de Majorque. Benoît XII s'implique davantage dans la croisade et la guerre contre les souverains marinides du Maghreb (183), car il redoute une coalition des souverains musulmans de Grenade et Marrakech. Au XIVe siècle, le Maghreb devient un argument de paix entre les rois chrétiens dans la correspondance pontificale, plutôt qu'une incitation à la croisade (195). L'intérêt pour le Maghreb ne se ravive qu'a la fin du XIVe siècle quand le pape Urbain VI soutient la lutte contre la piraterie. Finalement, en 1415, les Portugais conquièrent, avec l'appui de la papauté, Ceuta. La sécurité est assurée dans le détroit de Gibraltar.
Dans une troisième partie, Clara Maillard présente l'action de la papauté envers les marchands, mercenaires, captifs et religieux présents au Maghreb, le voyage des chrétiens en terre infidèle n'étant pas interdit et le pèlerinage à Jérusalem s'imposant. Pour Innocent III et ses successeurs, il est de leur devoir de veiller sur tous les chrétiens et leurs églises sans distinction. Les pontifes ont tout d'abord essayé de contrôler les marchandises qui sont échangées et de veiller à ce que des armes, du fer, des navires ainsi que tous les matériaux utilisés sur des bateaux ou des machines de guerre ne devront pas être vendus, sous peine d'excommunication selon les décisions prises au premier concile de Latran (220). Ensuite, des mercenaires chrétiens ont souvent rejoint les troupes arabes et berbères. Les papes demandent aux souverains musulmans de leur permettre de vivre selon leur loi. Il s'agit de les protéger. C'est le même souci qui dirige la politique du pape par rapport aux captifs. Ces derniers ont augmenté après la bataille de Hattin. Les prisonniers subissaient l'enfermement, des mauvais traitements et la tentation d'apostasier pour recouvrer la liberté (245). En 200 ans, la papauté intervient à dix reprises pour soutenir les libérations de chrétiens. Les œuvres de rachat sont très actives durant le XIVe siècle. La papauté s'intéresse aux cas d'apostasie mais aussi aux massacres qui survinrent régulièrement. La papauté s'est intéressée également à la vie religieuse des chrétiens dans le royaume de Tunis, car le siège épiscopal situé en terre infidèle, occupé par des frères mendiants, a pour rôle la défense des chrétiens et l'expansion du christianisme (300).
Enfin une dernière partie, un peu répétitive des précédentes, dresse une histoire de diplomatie au Maghreb. La politique pontificale était en pragmatique : l'expansion de la foi chrétienne n'étant soutenue que si elle ne nuisait pas aux intérêts politiques de la papauté.
L'ouvrage très descriptif, présente de manière très détaillée 200 ans de relations internationales entre papauté et Maghreb. Les enjeux et les intérêts des pontifes à maintenir des relations diplomatiques avec les souverains musulmans, comme leur intérêt à veiller sur les fidèles sont très soigneusement présentés. L'ouvrage permet de mieux comprendre les intérêts pontificaux au Maghreb.
Amandine Le Roux