Lucien-Jean Bord / Antoine-Frédéric Gross: Le coutumier clunisien de Maillezais, Paris: Librairie Orientaliste Geuthner 2016, 132 S., ISBN 978-2-7053-3945-6, EUR 19,00
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Lucien-Jean Bord et Antoine-Frédéric Gross proposent une édition critique du coutumier de l'abbaye de Maillezais, fondée à la fin du Xe siècle par des moines de Saint-Julien de Tours, dans la mouvance clunisienne depuis 935. Sachant que ce document a déjà été édité en 1965 par J. Becquet dans la Revue Mabillon, cette nouvelle publication pourrait paraître superflue, mais elle s'accompagne d'une traduction en français fort opportune du texte latin. Ce dernier présente en fait une nette parenté avec le coutumier clunisien d'Udalric (Ulrich de Cluny, c. 1018/29-1093), moine de Cluny qui fonda en 1087 le monastère de Zell. Son travail devint une « référence officielle » pour les monastères clunisiens et fut à de maintes reprises remanié, notamment par l'abbé Guillaume d'Hirsau (c. 1026-1091). Comportant des adaptations locales et des renseignements sur la vie monastique poitevine, le texte de Maillezais fut sans doute rédigé sous l'abbatiat de Pierre entre 1100 et 1117. Néanmoins, l'original a disparu, comme la majorité des ouvrages de la bibliothèque médiévale de l'abbaye, puisqu'il n'en reste a priori que sept, conservés à Paris ou à Leyde.
Le coutumier quant à lui est connu grâce à deux manuscrits, conservés aux Archives départementales de Charente Maritime (G 88 n° 3), qui en livrent une copie partielle, à savoir seulement le livre trois, alors qu'il y aurait eu quatre livres de coutumes d'après un catalogue de la bibliothèque de l'abbaye datant de la seconde moitié du XIIe siècle (BNF, ms. lat. 4892, f. Av et non ms. lat. 4982, f. 1r, comme l'indique de manière fautive la note 4, p. 5), plus précisément de 1168 au plus tôt d'après Hervé Genton. [1]
Le premier manuscrit peut être daté de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle et le second, copie du précédent, a été écrit au XVIIe siècle. Leur étude codicologique permet de les visualiser un peu, faute d'illustrations. Ainsi, le premier exemplaire est un cahier de 206 mm sur 161 ; composé de dix feuilles de papier vergé sans filigrane pliées en deux, il compte quarante-deux pages numérotées de 1 à 42 en chiffres arabes, ainsi d'une foliotation moderne. La présence de piqûres anciennes sur le dos laisse supposer qu'il a pu être séparé d'un ensemble plus important, qui aurait pu comporter les trois autres livres. La mise en page et l'écriture sont, d'après les auteurs, soignées et typiques de la fin du XVe siècle. Le second témoin mesure 296 mm sur 214 ; c'est un cahier constitué de huit feuilles de papier pliées en seize doubles-pages, soit trente-deux pages, dont seulement vingt-six ont été écrites. Sa pagination a été ajoutée au XIXe siècle. L'ensemble a été écrit d'une seule main dans la seconde moitié du XVIIe siècle. L'ordre des chapitres est parfois modifié par rapport à la version antérieure, mais le copiste a indiqué en marge la place exacte du texte dans le manuscrit ancien.
Le coutumier en lui-même, composé de trente-neuf chapitres, se concentre sur trois thèmes principaux, à savoir l'abbé (chap. 1-7 et 32), les officiers (chap. 8-15, 19, 22-26), et enfin la liturgie et les fêtes (chap. 13, 20-21, 33-39), même si d'autres prescriptions apparaissent au gré des chapitres, concernant notamment les enfants et les jeunes (chap. 16-17), les décès et les funérailles (chap. 27-32), ainsi que les vêtements que les moines doivent porter (chap. 18). Il s'ouvre sur l'élection et l'ordination de l'abbé, chapitre qui semble avoir tout particulièrement attiré l'attention d'un lecteur au XVIIIe siècle, puisque le recto de la dernière page du second manuscrit porte une mention ajoutée à la fin de ce siècle : ratio eligendi abbatem Mall.
L'édition qui se trouve aux pages 14-95 du présent ouvrage, semble de bonne facture, d'autant qu'elle est proche de celle publiée jadis par J. Becquet, sans toutefois la suivre servilement. En effet, de nombreuses restitutions sont proposées pour les parties altérées du texte, notamment dans les derniers chapitres « De subdiacono » et « De diacono ». La traduction, placée en vis-à-vis, en est élégante, permettant à la fois de souligner la bonne compréhension du texte par les auteurs et de le rendre accessible aux non-latinistes. Outre l'introduction (aux pages 5-13), le travail d'analyse est visible à travers 396 notes. Si elles ont été reportées en fin d'ouvrage, aux pages 96-124, ce qui rend parfois leur consultation malaisée, elles ont le mérite de donner les précisions nécessaires, notamment les références au coutumier d'Ulrich de Cluny.
L'ensemble est un travail sérieux, sans doute destiné à favoriser la diffusion d'un écrit monastique réglementaire, somme toute fort aride, auprès d'un public plus large que celui des seuls chercheurs.
Note:
[1] Hervé Genton: La bibliothèque de Maillezais à la fin du XIIe siècle, in: L'abbaye de Maillezais. Des moines des marais aux soldats huguenots, éd. C. Treffort, M. Tranchant, Rennes 2005, 78-110.
Marlène Helias-Baron