Thomas Fischer: Gladius. Roms Legionen in Germanien, München: C.H.Beck 2020, 344 S., 63 s/w-Abb., ISBN 978-3-406-75616-0, EUR 26,00
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Matthew F.A. Symonds: Protecting the Roman Empire. Fortlets, Frontiers, and the Quest for Post-Conquest Security, Cambridge: Cambridge University Press 2018
Philip Sabin / Hans van Wees / Michael Whitby (eds.): The Cambridge History of Greek and Roman Warfare, Cambridge: Cambridge University Press 2007
Paul Erdkamp (ed.): A Companion to the Roman Army, Oxford: Blackwell 2007
L'annonce d'un nouveau livre de Thomas Fischer constitue toujours une bonne nouvelle, et celui-ci ne fait pas exception; il apporte beaucoup d'informations et de nouveautés, surtout pour les historiens français il est vrai.
L'ouvrage commence par le commencement, les premiers chocs, et notamment la bataille d'Orange en 105 av. J.-C. (chapitre I); il est à noter que le site a été retrouvé et que des recherches actives y sont en cours. L'étude de cet épisode montre qu'il est parfois difficile de distinguer Celtes et Germains, peuples souvent alliés pour la guerre. Puis, l'auteur passe à César et à ses rapports avec les Suèves (Arioviste, notamment), les Usipètes et Tenctères et il parle du célèbre pont sur le Rhin. Dans le même premier chapitre sont passés en revue les Germains, leur langue, leurs localisations (la carte (34) montre qu'ils se trouvaient assez souvent sur la rive gauche du Rhin). Le Teutobourg est évidemment mentionné. De Tibère à 161 (chapitre II), les Romains passèrent d'une occupation raisonnable à une forme de coexistence pacifique, rendue possible par l'organisation des deux provinces qui a été effectuée au temps de Domitien. Par un petit retour en arrière, l'auteur place ici une évocation de la révolte des Bataves, qui a été liée à la crise de l'année des quatre empereurs.
Le chapitre III propose un tableau comparé de l'armée romaine (92-144), - ses unités, ses camps et ses équipements -, et des Germains (145-163), - leur armement et leur société, où les nobles tenaient une grande place. Une carte des tombes princières du type Lübsow (151) permet de voir l'étendue du territoire qu'ils occupaient. Ils allaient du nord du Danube et de l'est du Rhin, jusqu'au Danemark actuel et à la Pologne moderne.
Une série de petits tableaux constitue le chapitre IV; ils sont valables pour la période que va de l'année 161 à la crise du IIIe siècle, et ils décrivent les différentes provinces de l'empire qui avoisinaient les territoires barbares, les Germanie Inférieure et Supérieure, la Rétie et la Pannonie. L'auteur insiste plus sur les peuples voisins que sur les cités touchées par la romanité. Nous regrettons l'emploi sans précaution du mot "limes" (178 et 186), justement critiqué par B. Isaac (The meaning of the terms limes and limitanei, JRS, 78, 1988, 125-147; on verra sur ce sujet: La genèse du limes dans les provinces de l'empire romain, RD, 49, 3, 1991, 307-330).
La période de confrontations qui s'étend entre 161 et 285 occupe le chapitre V. Et elle s'ouvre sur une prise de position tout-à-fait convaincante: les guerres marcomanniques de Marc Aurèle ne sont pas un épisode isolé, mais le prélude aux grandes "invasions", le Völkerwanderung des Allemands (206). Cette fois, c'est la tombe royale de Musov qui permet de définir une culture (210-212). La bataille du Harzhorn (213), découverte à une date relativement récente, est attribuée à l'année 236 grâce aux monnaies; on sait qu'elle a surpris les historiens, qui ne pensaient pas qu'une expédition fût possible à cette date dans une région aussi éloignée de la frontière militaire. Ensuite la crise de l'empire est abordée du côté des Romains (221-228) puis du côté des Germains (228-242). Ce deuxième versant du drame est relié cette fois aux tombes du groupe Leuna-Haßloben.
Le chapitre VI est consacré à l'Antiquité Tardive. Thomas Fischer décrit les réformes de Dioclétien et de Constantin Ier comme ne formant qu'un tout, le deuxième empereur prolongeant celles qu'avait initiées son prédécesseur; c'est un point de vue que nous partageons tout-à-fait. Il décrit l'arrivée de nouveaux "envahisseurs", les Goths, sans doute les plus efficaces des ennemis de Rome, et les Vandales. Les assauts qui ont commencé en 284 auraient duré jusqu'en 476. Nous pensons que les années 406 et 410 ont eu une importance plus que symbolique: en 406, la frontière a été percée par des peuples qui se sont ensuite imposés dans les régions des vaincus, et en 410 la capitale a été pris à deux reprises par les Goths. C'est au début du Ve siècle que l'empire d'Occident a cessé d'exister. L'auteur toutefois poursuit jusqu'en 476, date choisie depuis longtemps par beaucoup d'historiens mais qui n'a qu'une valeur secondaire à notre avis. Un denier paragraphe revient quelque peu en arrière pour décrire le nouveau découpage des provinces effectué durant l'Antiquité Tardive.
L'ouvrage comporte évidemment une bibliographie choisie et un index.
Nous pensons que ce livre apporte du nouveau pour trois raisons. 1) Il établit systématiquement un parallèle entre les deux parties, les Romains et les Germains; ces derniers sont mal connus notamment en France. La "nouvelle histoire militaire" doit tenir compte des deux faces du récit. 2) De nombreuses notices plus ou moins longues ont été déposées au fil des pages et elles valent un vrai dictionnaire; elles font connaÎtre notamment des sites archéologiques souvent explorés à une date récente. 3) L'iconographie est excellente; elle est constituée par des cartes, des plans, des photographies et des dessins.
Et si ce livre apporte du nouveau, c'est qu'il est bon.
Yann Le Bohec