Allan V. Murray / Karen Watts (eds.): The Medieval Tournament as Spectacle. Tourneys, Jousts and Pas d'Armes, 1100-1600 (= Royal Armouries Research Series; Vol. 1), Woodbridge: Boydell Press 2020, XIV + 249 S., 37 Abb., ISBN 978-1-78327-542-7, GBP 60,00
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La Royal Armouries (Leeds) se lance dans une nouvelle aventure, la publication d'études centrées sur les armes, les armures ou tout sujet similaire quelles que soient la région ou la période traitée. L'initiative est heureuse et nous aimerions en voir une semblable dans le monde de l'édition francophone. Le premier opus de cette collection, la Royal Armouries Research Series, fait l'objet de ce compte-rendu. Une dizaine de textes, tous de qualité, compose l'ouvrage consacré aux tournois médiévaux. Il n'est évidemment pas possible de les détailler ici de façon systématique, mais nous pouvons néanmoins présenter les thèmes récurrents.
Les auteurs s'accordent pour signaler la rareté des documents. Ils sont dès lors forcés d'utiliser un large éventail de sources. A.V. Murray fait grand cas de l'ancienne littérature allemande afin de décrire le monde des tournois dans l'Empire des XIIe et XIIIe siècles. Les chroniques permettent à J. Titterton d'étudier la mentalité des combattants. R. Moffat trouve dans les sources normatives et comptables, c'est-à-dire des inventaires, des testaments et des comptes, des mentions assez précises sur l'équipement utilisé dans les tournois et les joutes. Les sources iconographiques ne sont pas oubliées. Si nous savons que les miniatures sont une véritable mine d'informations, nous admirons aussi un magnifique vitrail allemand de la fin du XIVe siècle présentant un grand heaume et son cimier plus vrais que nature. Les armes, les armures et les selles d'époque, lorsqu'elles nous sont parvenues, restent un objet d'étude privilégié. Il en est abondamment question dans l'ouvrage. Les pièces conservées dans les collections de la Royal Armouries occupent naturellement une part importante de l'iconographie. Enfin, la statuaire se montre un substitut bien utile, tant pour l'étude de l'équipement défensif et offensif que pour la sellerie.
La manière dont ces spectacles étaient organisés évolue au fil du temps. Certains de ces changements font l'objet d'une étude approfondie dans notre ouvrage. L'espace germanique est bien représenté. A.V. Murray se penche sur les premiers tournois et le bûhurt tandis que N. Anderson souligne la différence entre le Gestech et le Rennen, des types de joutes populaires à l'époque de l'empereur Maximilien Ier. Le pas d'armes bénéficie aussi d'une attention particulière. C. Blunk montre de manière assez convaincante que l'aspect théâtral de cet événement est souvent exagéré dans les études contemporaines. R. Brown-Grant, de son côté, analyse l'épisode du pas d'armes présent dans Jehan d'Avennes (c. 1465). Il révèle que si ce spectacle est généralement conçu autour d'un scénario littéraire, dans ce cas, c'est le romancier qui s'est inspiré de la réalité. I. E. Tzouriadis se concentre sur les différentes formes de combat à pied telles qu'elles étaient pratiquées à la fin du Moyen Âge. Enfin, K. Watts détaille l'ensemble des festivités martiales organisées au fameux Camp du Drap d'Or (1520). Si la joute paraît négligée dans ces travaux, c'est sans aucun doute parce que cette forme de tournoi est la mieux connue.
L'équipement des combattants, tant pour des raisons d'efficacité que de sécurité, doit être adapté aux différentes formes de tournois. Cet aspect occupe une place importante de l'ouvrage. R. Moffat s'attarde sur la transformation de l'armement au XIVe siècle, un développement qui témoigne du succès grandissant de la joute. Les armes offensives et défensives utilisées dans le combat à pied, avec ou sans barrière, tant au XVe qu'au début du XVIe siècle sont présentées dans les textes de I. E. Tzouriadis et de K. Watts. La selle, un élément généralement passé sous silence, fait l'objet d'une étude très détaillée de M. Viallon. Rappelons qu'il s'agit d'un élément capital du binôme monture-cavalier puisqu'elle doit permettre à ce dernier de diriger au mieux son cheval, tout en procurant une assise lui permettant de manier ses armes de manière optimale.
Si les premiers tournois peuvent être regardés comme forme d'entraînement à la guerre, ils deviennent progressivement un spectacle de cour, souvent utilisés à des fins de propagande. Ainsi, comme le montre J. Beswick, le roi d'Angleterre Richard II organise un tournoi exceptionnel à Smithfield en 1390 afin de rassembler la noblesse autour de sa personne et d'affermir son autorité royale. L'empereur Maximilien Ier, qui aimait indéniablement participer à cette activité, fait de même. N. Anderson raconte comment il utilise ses prouesses martiales pour faire étalage de sa force et de sa virilité. L'empereur, d'autre part, organise ces événements afin de montrer sa générosité et de solidifier ses liens avec les membres de sa cour. Tout cela lui permet de renforcer son image de gouvernant. La situation est différente lors de la rencontre des rois de France et d'Angleterre au Camp de Drap d'Or. François Ier et Henri VIII ne peuvent s'empêcher de vouloir rivaliser. Il faut cependant éviter l'incident diplomatique et les festivités martiales sont plutôt destinées à rapprocher les deux princes plutôt qu'à les opposer. Cela semble avoir été le cas puisque K. Watts montre qu'une certaine camaraderie existait entre les deux jeunes souverains. Les puissants et les organisateurs d'un tournoi ne sont pas les seuls à en tirer bénéfice. J. Titterton montre que s'il est possible d'obtenir de l'argent, des pièces d'armement ou des montures à l'issue d'une journée favorable, c'est aussi le moment idéal pour acquérir de l'honneur tant par des prouesses martiales que par une attitude chevaleresque exemplaire caractérisée par une générosité envers les pairs et par une courtoisie envers les dames.
Le lecteur aura compris que l'ouvrage regorge d'informations, d'autant plus que d'autres sujets, tout aussi intéressants, y sont encore abordés, sans parler de la bibliographie thématique très complète qui y est adjointe. Sa lecture ne peut qu'être chaudement recommandée.
Sergio Boffa