Holger Jacob-Friesen / Oliver Jehle (Hgg.): Hans Baldung Grien. Neue Perspektiven auf sein Werk, Berlin: Deutscher Kunstverlag 2019, 320 S., ISBN 978-3-422-97982-6, EUR 29,90
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Le colloque de Karlsruhe dont sont issus ces actes fut en 2018 le prélude scientifique à la grande exposition de 2019. [1] Tous les textes sont de qualité et ce compte-rendu ne peut qu'en donner un aperçu général, tant ils sont riches en apports inédits.
L'ouvrage débute par une contribution des deux organisateurs, Holger Jacob-Friesen et Oliver Jehle, sur les étapes de la réception de Baldung, en partant d'une des peintures murales du grand escalier de la Kunsthalle, dues à Moritz von Schwind (1843). Elle représente Baldung, de dos, faisant le portrait du margrave de Bade. Si la vie et l'œuvre de Baldung étaient alors encore peu connus, Gabriel von Térey publia les premiers catalogue des dessins, puis des peintures à la fin du siècle et le premier colloque consacré à Baldung se tint à Baden-Baden en 1902. Après des expositions à Berlin et à Vienne en 1934/35, une grande exposition était prévue en 1945 à Karlsruhe pour le 500e anniversaire de sa mort. Elle n'eut lieu qu'en 1959 et a marqué les esprits. Depuis se sont succédé travaux de recherche et expositions importantes. Le volume se conclut logiquement par un texte de Justus Lange sur le premier vrai découvreur de Baldung, Oscar Eisenmann, qui soutint en 1869 un doctorat sur l'artiste à Tübingen et rédigea une notice en 1875 pour l'Allgemeine Deutsche Biographie. Devenu directeur des musées de Kassel, il put acquérir notamment le superbe Hercule et Antée.
Casimir Bumiller fait le point sur la famille Baldung, lettrés, juristes, médecins, qui ont presque tous vécu et travaillé dans le Rhin Supérieur. Il répond prudemment à deux énigmes: le père de Hans, jamais évoqué par son nom, pourrait être un clerc. D'autre part, le garçonnet qui tient une tablette portant le monogramme de l'artiste dans la Crucifixion du Retable de Fribourg pourrait être son fils, car en 1518, un certain "Jeorius Baldung Argentinensis" est inscrit à l'université de Fribourg, son jeune âge n'étant pas exceptionnel à l'époque. En tout cas, l'enfant a dû mourir quelque temps après. Le milieu humaniste fribourgeois est évoqué par Ueli Dill à propos d'épigrammes en grec ou en latin composées par Bonifacius Amerbach, étudiant à Fribourg dans ces années, pour des portraits de condisciples réalisés (ou non) par Baldung, nommément cité.
Thomas Noll analyse le "style iconographique" de Baldung, soit la façon dont il aborde de façon originale des thèmes souvent traités, principalement religieux, dont le Couronnement de la Vierge du retable de Fribourg, comparé à des versions du même thème par Dürer ou Altdorfer, ou encore, dans les mêmes années, l'impressionnante Crucifixion gravée en clair-obscur avec la présence presque écrasante du Crucifié.
Plusieurs contributions éclairent les relations entre Dürer et Baldung. Deux d'entre elles réinterrogent le séjour de Baldung à Nuremberg et aboutissent en gros aux mêmes conclusions. Daniel Hess analyse le peu que l'on sait de ce séjour. Il était depuis longtemps admis que Baldung avait dirigé l'atelier de Dürer pendant que le maître était à Venise. Or selon les lettres de Dürer à sa mère, il n'y avait alors pas d'atelier. Les auteurs soulignent qu'il n'existait pas de guildes à Nuremberg et que donc Baldung a pu proposer ses services à d'autres qu'à Dürer pour des gravures par exemple, et surtout pour des peintures sur vitrail, d'autant que pour certaines, il n'a pas dû être uniquement dessinateur, mais aussi, au moins pendant l'absence de Dürer, peintre-vitraillier dans l'atelier de Veit Hirsvogel, ainsi que le montre de façon convaincante Hartmut Scholz.
Baldung a souvent travaillé plus tard comme concepteur de vitraux, mais à en croire des dessins conservés pour de petits vitraux. Ariane Mensger montre bien qu'il n'est presque toujours qu'un participant dans le processus de réalisation, les indications écrites du vitraillier lui demandant d'inclure des figures dans un cadre déjà fixé, en lui laissant peu de marge créative.
Michael Roth aborde la question des rencontres personnelles et artistiques de Dürer, Baldung et Grünewald, qui pourrait avoir travaillé vers 1502-1503 dans l'atelier de Wolgemut. Plus tard, l'influence du Retable d'Isenheim sur quelques œuvres de Baldung apparaît clairement dans le pathos émotionnel, mais c'est tout de même à Dürer, principalement à son œuvre graphique, que Baldung se référera régulièrement, tout en suivant sa propre voie.
À propos des autoportraits de Dürer et de Baldung, Sabine Söll-Tauchert montre les leçons que Baldung a pu tirer de ceux du maître, mais aussi sa propre affirmation. Dans son Martyre de saint Sébastien (1507), le nu masculin est présenté par le peintre pour démontrer sa puissance créatrice, l'intention religieuse passant à l'arrière-plan. Baldung continuera à maintes reprises à se mettre en valeur.
Holger Jacob-Friesen analyse les différences de conception de Dürer et de Baldung dans les représentations de saint Sébastien, l'un dans un "classicisme" italianisant, l'autre dans une veine "expressionniste", moins préoccupé par l'exactitude anatomique que par la visualisation de la douleur, surtout dans deux gravures, dont l'extraordinaire pathos fait penser à Grünewald, même si l'auteur montre bien la puissante originalité de Baldung. Quant au détail de la plus grande gravure, répété dans un dessin, qui montre une flèche pénétrant le pénis, il ferait allusion à une nouvelle maladie, la syphilis, contre laquelle le saint pouvait aussi être invoqué.
Toujours à propos du nu, Julia Carrasco, à partir d'œuvres consacrées au péché originel, montre les conséquences de l'apparition du nu dans ce thème: faute, honte et instincts sexuels incontrôlés, ce que Baldung montre de façon bien plus appuyée que chez Dürer. Il fait d'Ève la séductrice sensuelle par excellence, en intégrant la thématique du pouvoir des femmes, tandis que l'homme, ici Adam, est souvent montré comme un balourd faunesque emporté par ses sens.
Baldung, qui n'a guère voyagé, avait pu voir par des gravures ou des dessins des œuvres italiennes, même si Bernard Aikema parle très justement de la possibilité de développements parallèles plutôt que de transferts; ainsi le traitement de certains thèmes par Lotto et Baldung montre une certaine parenté, sans qu'on puisse parler d'influence. Mais le public auquel s'adressent les artistes est un public cultivé, qui a souvent lu les mêmes livres de part et d'autre des Alpes. Les rappels de motifs byzantins chez Baldung, notamment pendant la période fribourgeoise, que Dietmar Lüdke met en lumière sont a priori plus étonnants. La Vierge à l'Enfant du retable est une apparition qui rappelle l'Hodegetria, et celle du tableau sur fond rouge de la même période est proche de l'Eleousa. De nombreuses copies de ces icônes ont circulé au XVe siècle, en Italie, mais aussi aux Pays-Bas ou en Bohême.
Les représentations des sorcières sont abordées dans trois articles. Wolfgang Zimmermann restitue les étapes de la construction théologique de la sorcellerie au XVe siècle, en distinguant le Marteau des sorcières et ses suites, qui prennent les fantasmes à la lettre, et d'autres, comme Molitor ou Geiler, qui les voient comme des "signes" issus de l'imagination de femmes attirées par le diable. Tout cela a évidemment nourri les œuvres de Baldung. C'est en analysant les lignes et les volumes de ses œuvres en clair-obscur, notamment dans les dessins de "sorcières" de 1514 et 1515, que Daniela Bohde, Anna Christina Schütz et Irene Brückle montrent comment "Baldung ne provoque pas seulement le regard lascif, il le thématise". Enfin Yvonne Owens interroge l'image de la femme âgée, qui se révèle la pire des "sorcières", en citant les nombreux livres qui, depuis l'Antiquité, la considèrent comme dangereuse, pourvue d'une sexualité "toxique", la ménopause ne lui permettant plus d'expulser le "poison" qui est en elle.
Ulrich Söding propose une mise en perspective du portrait chez Baldung, parfois négligé par les chercheurs, en montrant qu'il faut prendre en compte non seulement les portraits peints, mais aussi les nombreux dessins et gravures, le cas du margrave Christoph étant central de ce point de vue. D'une grande précision, mais sans véritable empathie, les portraits de Baldung restent assez distanciés.
Une série de dessins attribués à un anonyme appelé Pseudo-Leu, à distinguer de Hans Leu, artiste zurichois ayant probablement travaillé avec Baldung dans les débuts du retable de Fribourg, est étudiée par Christian Müller, qui montre que certains dessins copient ou s'inspirent de Baldung; peut-être cet artiste inconnu a-t-il travaillé avec lui à Strasbourg entre 1507 et 1510.
Le diptyque du Prado (Les Grâces et Les Ages de la vie), selon Oliver Jehle, qui lui consacre une analyse fouillée, est une Vanitas comportant l'espoir de la rédemption: la nuit et le serpent montrent que les félicités de la vie terrestre, symbolisées par les Grâces, n'ont qu'un temps et que le salut est dans la Croix. De façon proche, à partir des réflexions de saint Augustin, Jan Nicolaisen montre que le dernier diptyque connu, Les âges de la femme et la Mort, est une réflexion sur le Temps et la fugacité de la vie: la femme la plus âgée du panneau de gauche regarde en arrière, elle se souvient et en même temps désigne la mort qui arrive.
Analysant la fascination exercée par les images de Baldung, Joseph Leo Koerner met l'accent sur le regard souvent posé par un personnage sur le spectateur et donc l'implication ambivalente de celui-ci dans la recherche du "secret partagé d'un individu". Celui-ci et son œuvre continuent à nous interroger.
Note:
[1] Cf. Holger Jacob-Friesen (dir.): Hans Baldung Grien: heilig / unheilig, cat. exp., Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Berlin / Munich 2019, également en français: Hans Baldung Grien: sacré / profane.
Frank Muller