Rezension über:

Anna Benvenuti: Sante donne di Toscana. Il Medioevo (= Toscana Sacra; 1), Firenze: SISMEL. Edizioni del Galluzzo 2018, XIX + 224 S., 32 Farbabb., ISBN 978-88-8450-894-2, EUR 38,00
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Rezension von:
Sylvie Duval Fichera
Università degli Studi di Milano
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Sylvie Duval Fichera: Rezension von: Anna Benvenuti: Sante donne di Toscana. Il Medioevo, Firenze: SISMEL. Edizioni del Galluzzo 2018, in: sehepunkte 21 (2021), Nr. 7/8 [15.07.2021], URL: https://www.sehepunkte.de
/2021/07/32651.html


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Anna Benvenuti: Sante donne di Toscana

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Le livre que nous propose Anna Benvenuti Papi sur les "saintes femmes de Toscane" reprend l'immense travail que l'historienne a accompli sur ce thème depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui, tout en y intégrant les apports d'autres chercheurs, jusqu'à l'historiographie la plus actuelle. L'ouvrage rend ainsi accessible à un public non spécialiste les résultats d'une recherche de longue haleine qui a transformé notre vision de la sainteté féminine à la fin du Moyen Âge. Ce faisant, il met aussi à disposition des chercheurs un bilan bibliographique très complet, bien que parfois un peu trop italo-centré. La structure du livre est particulièrement maniable: neuf chapitres à la fois thématiques et chronologiques, tous agrémentés de notices bibliographiques spécifiques, laissent ensuite la place à une série de petits portraits ou cammei qui permettent d'en savoir plus sur une vingtaine de figures de saintes, là encore accompagnées des références bibliographiques indispensables. Enfin, une troisième partie, confiée à l'historien de l'art Raffaele Argenziano, répertorie les images des saintes dans l'iconographie toscane, complétant ainsi un tableau remarquable sur le culte des saintes femmes dans la Toscane médiévale.

L'originalité principale du livre réside dans le choix explicite de ne se concentrer que sur une région, la Toscane, et de faire émerger ainsi un remarquable et fascinant tableau d'ensemble, retraçant le culte chrétien des femmes depuis le haut Moyen Âge jusqu'à l'aube de la Renaissance en un ensemble territorial culturellement cohérent. La question de la "sainteté féminine" doit englober les grands modèles chrétiens féminins que sont la Vierge, mais aussi sainte Anne ou sainte Marie Madeleine, ou encore les vierges martyres de l'Antiquité, c'est pourquoi Anna Benvenuti consacre les premiers chapitres de son ouvrage au culte de ces grandes figures dans les principales villes toscanes, et à Florence en particulier. Les cultes anciens, tels celui de sainte Reparata à Florence, apparaissent sujets à de forts syncrétismes, à des renaissances tardives et à des inventions de reliques parfois rocambolesques. C'est à partir du quatrième chapitre que des traits toscans particuliers ressortent avec force de ce vaste panorama et ne manquent pas d'interroger. Dans quelle mesure la Toscane fut-elle, en particulier entre XIIe et XVe siècle, une "terre de saintes" ? On connaît la fécondité, dans ce domaine, de l'Ombrie voisine, ou de la lointaine Flandre, mais quels sont les ressorts qui permettent à certaines régions de "fabriquer" des saintes, ou de "céder" au culte des saintes ? Le lien avec la civilisation urbaine apparaît nettement, mais n'est peut-être pas suffisant pour expliquer le phénomène.

La succession des chapitres fait apparaître différentes voies pour la promotion de la sainteté féminine, dont les principales sont la mise en place d'un culte par un ordre mendiant auquel la sainte a appartenu (ou, plus souvent, dont elle était proche) ou bien la progressive identification de la sainte à sa communauté citadine, dont elle devient une sorte de protectrice céleste. La reconstruction hagiographique post-mortem de la vie de ces femmes tient évidemment une place primordiale dans le développement de leurs cultes, phénomène qu'Anna Benvenuti souligne à diverses reprises. Il est frappant aussi de constater, à la lecture de ces chapitres et notices, que ces femmes vénérées pouvaient avoir une origine sociale très variée: certaines étaient, bien sûr, issues des classes dominantes, mais beaucoup d'autres, surtout à partir du XIIIe siècle, avaient de très humbles origines, telle Verdiana de Castelfiorentino, qui fut bergère puis servante. D'autres étaient handicapées et parvinrent à la sainteté sans toutefois prétendre à la guérison (l'aveugle Marguerite de Città di Castello ou la paralytique Fina de San Gimignano). La reconnaissance de dons particuliers, et même l'identification d'une communauté à "sa" sainte, semblent donc transcender les limites sociales, et même morales, comme le démontre le cas de la "repentie" Marguerite de Cortone. Il s'agit là peut être d'un trait spécifique de la Toscane, ou tout au moins de la période prise en considération.

Les différents types de sainteté, de la sainte pélerine (Bona de Pise) à la sainte recluse, illustrent en outre la variété des possibilités des "modèles" de sainteté féminins, dans le contexte d'une société où les normes sociales et religieuses étaient en perpétuelle évolution. Le moment de la mort de la sainte, ou plus exactement les quelques jours qui suivent immédiatement ce passage, apparaissent comme particulièrement importants pour le processus qui fait d'une pieuse citadine une femme méritant la vénération de ses semblables. C'est le moment de l'exposition au public du corps de la sainte qui, souvent, a vécu, au moins à la fin de sa vie, dans le secret de sa cellule; c'est aussi celui de l'accomplissement des miracles, preuves de l'établissement d'une connexion entre le Ciel et la cité par l'intermédiaire de la sainte.

Bien peu de ces "saintes femmes" ont été canonisées. À dessein, Anna Benvenuti s'attarde peu sur les figures les plus connues pour mieux faire ressortir la "profondeur" du phénomène de la sainteté féminine toscane, c'est-à-dire l'existence de multiples modèles, la persistance et la variété des cultes, la force du lien entre les saintes femmes et les communautés locales, durant leur vie comme après leur mort: toutes choses qui permettent d'expliquer l'émergence des grandes figures de la sainteté féminine médiévale telles Catherine de Sienne ou Brigitte de Suède. Un chapitre s'attardant sur le décalage entre, d'une part, le processus de canonisation, réservé à bien peu de ces saintes, ainsi que l'a démontré André Vauchez, et, d'autre part, l'importance du phénomène de la vénération locale de femmes aurait toutefois été bienvenu, ainsi que, plus largement, un cadre général sur les rapports entre ces femmes et l'autorité ecclésiastique, en particulier séculière. Malgré tout, la fresque que nous livre Anna Benvenuti remplit très largement son objectif: celui de donner à voir en pleine lumière la "brève saison" durant laquelle "les femmes s'imposèrent comme modèles de perfection et d'autorité spirituelle, jusqu'à atteindre, comme dans le cas de Catherine de Sienne et de Brigitte de Suède, les plus hautes sphères du magistère de l'Eglise" (XIII).

Sylvie Duval Fichera