Rezension über:

Olivier Hekster: Caesar Rules. The Emperor in the Changing Roman World (c. 50 BC - AD 565), Cambridge: Cambridge University Press 2022, xxiii + 414 S., ISBN 978-1-00-922679-0, GBP 30,00
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Rezension von:
Stéphane Benoist
Université de Lille, HALMA, UMR 8164 (CNRS, Univ. de Lille, MCC)
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Stéphane Benoist: Rezension von: Olivier Hekster: Caesar Rules. The Emperor in the Changing Roman World (c. 50 BC - AD 565), Cambridge: Cambridge University Press 2022, in: sehepunkte 23 (2023), Nr. 10 [15.10.2023], URL: https://www.sehepunkte.de
/2023/10/37795.html


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Olivier Hekster: Caesar Rules

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Une nouvelle synthèse consacrée à l'empereur romain, sur la plus longue durée possible - en excluant toutefois la perspective d'un Gibbon menant sa réflexion jusqu'en 1453, à la chute de Constantinople -, d'Auguste à Justinien (en incluant ce qui est judicieux la figure paternelle et fondatrice de César), était-elle envisageable, après de nombreuses décennies, alternant productions scientifiques de grande ampleur et études érudites traitant d'aspects ponctuels de l'empire romain? L'auteur, qui s'est notamment distingué dans les deux dernières décennies par deux ouvrages qui introduisent à certaines des thématiques envisagées dans le présent essai, la figure d'un "mauvais" prince, l'empereur Commode auquel il a consacré sa thèse publiée en 2002, puis la belle étude parue en 2015 analysant avec acribie les rapports entre empereurs et ancêtres, construisant ainsi une mémoire proprement "impériale" à dimension légitimatrice, s'y attelle avec bonheur. Il aurait très certainement ravi Fergus Millar à la mémoire duquel le volume est dédié, qui a magistralement fourni un opus magnum continuant d'inspirer de nombreuses enquêtes, tant la matière réunie pour son Emperor in the Roman World, paru en 1977, puis complétée par un "Afterword" très substantiel en 1992, livre de nombreux thèmes de recherche. Également en charge du réseau international "The Impact of Empire", lancé au tournant du nouveau millénaire par son maître Lukas de Blois, Olivier Hekster nourrit l'essai en recension des résultats d'une enquête collective menée au sein de l'université Radboud de Nimègue sur les "contraintes et la tradition". On relève de plus l'apport d'une abondante documentation numismatique traitée avec finesse tout au long du volume qui fournit de nouvelles perspectives à l'étude de la figure impériale en distinguant les apports des monnayages centraux, sous le contrôle "romain" des entourages princiers, et les monnayages provinciaux en éclairant la réception des messages du pouvoir central à l'adresse de toutes les composantes de l'Imperium Romanum. L'auteur de ces lignes ayant consacré près d'une quarantaine d'années à l'étude de l'Empire romain est donc très heureux de répondre positivement à la question posée en ouverture: oui, décidément, cet ouvrage apporte du nouveau, offre une synthèse judicieuse et très construite sur ce qu'était un empereur romain?, interrogation naguère posée par Paul Veyne (2005). La lecture de ce livre est fortement recommandée et si certaines propositions entraînent la discussion, il convient assurément de prendre en compte désormais cette étude.

L'enquête est menée en quatre temps, étroitement reliés entre eux, ce qui s'avère pleinement justifié même si cela peut entraîner à l'occasion quelques redites: la circulation à l'intérieur du volume est aisée, le plan de chaque chapitre ménageant des passerelles d'un thème à un autre, tandis que les indices offrent d'utiles compléments à une prise en compte globale de l'argumentaire développé. Les quatre thèmes retenus déploient judicieusement l'"identité" impériale au travers de quatre angles d'approche complémentaires: le portrait des titulaires de la statio principis, avec leurs noms, titres, éléments de parure (costumes, couronnes, sceptres) et représentations multiples (de la statuaire aux reliefs historiés et bien entendu aux monnaies); puis ce sont les fonctions du prince qui font l'objet du deuxième chapitre et structurent globalement l'approche "impériale", y compris dans le dernier stade de l'enquête, avec les aspects militaires, religieux et civils de la charge des principes ; en analysant de manière judicieuse les entourages des princes dans un troisième temps, sur la longue durée, sénateurs et évêques, membres des bureaux palatins (plus que d'une 'cour' proprement dite), domus Augusta et entourage proche (notamment les Caesariani); enfin, en dernier lieu, en posant la question d'une prise en compte spatiale de l'organisation du pouvoir impérial, du centre à la périphérie, de l'ancienne à la nouvelle Rome et aux résidences impériales, afin de réévaluer les attentes en matière de responsabilités civiles, militaires et religieuses. 57 figures, 4 cartes et 9 tableaux d'analyse monétaire complètent l'ensemble. Très peu de coquilles sont à relever, quelques accents français, noms d'auteur (Le Doze, Lepelley) et un Théodose II pour Théodose Ier.

"I. Portraying the Roman Emperor" (23-105) fournit d'emblée d'excellentes clefs de lecture sur l'identité impériale. Tout au plus peut-on insister sur ce qui est dénommée "façade républicaine", qu'il me semble utile d'insérer dans une approche des deux premiers siècles avant et de notre ère en termes de "République impériale", comme le livre récent de Jérôme Kennedy l'expose avec brio. L'utile prise en compte inaugurale du rapport des Romains à la royauté n'empêche pas la difficulté que toute narration a avec les expressions de règnes, de sujets, de souverains ... Il m'importe que le vocabulaire propre au discours impérial soit toujours privilégié, ce qui explique l'importance d'un emploi au long cours de la notion de res publica. La formulation épigraphique de la titulature impériale n'est pas anodine, face à des nomenclatures plus synthétiques sur les droits et revers monétaires. "II. Playing Imperial Roles" (106-182) propose de cheminer sur le long terme au sein de ce qu'est la codification des "emplois" militaires, civils et religieux des empereurs romains. La prise en compte fine des monnayages à l'intérieur des principats, comme par exemple à propos de la persona d'Hadrien convainc des formulations originales des linéaments des discours et de l'importance qu'il y a à prendre en compte les rapports entre empereur et empire. "III. Being around the Emperor" (183-259) envisage judicieusement l'ensemble des acteurs qui participent au gouvernement de l'empire aux côtés des princes. Il m'apparaît toutefois que l'absence de toute référence aux études prosopographiques, qui ont profondément marqué la discipline, est préjudiciable à la dimension historiographique que cette étude privilégie le plus souvent dans la prise en compte des ressorts de la fonction impériale, l'œuvre d'Hans-Georg Pflaum pouvant être mentionnée à cet égard. "IV. The Emperor in the Capital and Provinces" (260-325) permet de confronter les approches renouvelées de l'espace impérial, de revenir sur la partitio imperii fort discutable en soi, ce qui dans la liste des empereurs ("Timeline", XVI-XX) revient à discuter de la pertinence des mentions d'"Emperors of the West / of the East", dans un monde qui peine à sortir d'une globalité / universalité structurante. C'est de même la confrontation des deux seuls empires, Romain et Sassanide à l'époque tardive, qui permet de penser les espaces impériaux à nouveaux frais ainsi que les lieux frontaliers de confrontation des modèles de gouvernement et d'identités. Quelques études complémentaires auraient pu nourrir la réflexion, que ce soit la synthèse d'Audrey Becker sur le pouvoir royal et impérial (2022) ou celle d'Umberto Roberto sur le sac de Rome, enfin les enquêtes d'Ekaterina Nechaeva sur l'empire sassanide. On souscrit bien volontiers à la phrase conclusive de ce dernier chapitre: "Emperors were what people expected them to be, everywhere in their empire".

La richesse des développements de cette synthèse permet d'augurer une discussion prolongée sur de nombreuses propositions de lecture. Certes, un index locorum rendrait justice à la diversité des sources convoquées par l'auteur afin de rendre compte sur six siècles ce que furent les empereurs romains, d'Auguste à Justinien, et ce que fut la fonction impériale, d'un monde polythéiste à un monde chrétien, ménageant la tradition et des formes de refondation qui attestent un pragmatisme à toute épreuve permettant de valoriser par l'exemple toutes res nouae jugées utiles à l'amélioration du fonctionnement du gouvernement de l'empire. Sept stemmata permettent d'identifier les différentes dynasties et ces liens familiaux qui tissent la réalité monarchique d'un pouvoir impérial hors de toute règle de dévolution bien établie du pouvoir de l'Imperator Caesar Augustus. Un glossaire aide les lecteurs moins aguerris dans la compréhension de certaines spécificités du monde romain impérial: deux petites corrections toutefois, les anniversaires du pouvoir impérial, decennalia et vicennalia, célèbrent les 9 et 19 ans du pouvoir des princes selon un comptage inclusif du temps; quant aux legati Augusti, ils ne sont pas à proprement parler des "magistrats", à tout prendre le terme moderne de fonctionnaire serait plus judicieux!

Cette excellente étude de ces "men for all seasons" est hautement recommandable! Elle offre une très belle synthèse sur un monde changeant, certes, mais attaché à refonder dans un passé sans cesse réécrit toute forme de légitimation d'un pouvoir multiforme qui se doit de proposer à toutes et tous une image compatible avec les attentes de populations aux aspirations diverses. C'est dans cette perspective que l'on pourrait citer in fine l'importance des formulations de Reinhart Koselleck, qui théorise au mieux l'importance de ces horizons d'attente qui informent l'historien sur le contenu de ses objets d'étude.

Stéphane Benoist