Rezension über:

Ludo Milis: L'homme médiéval et sa vision du monde. Ruptures et survivances (= Culture et Société Médiévales; 31), Turnhout: Brepols 2017, 179 S., 28 s/w-Abb., ISBN 978-2-503-57343-4, EUR 49,00
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Rezension von:
Anne-Laure Méril-Bellini delle Stelle
Université de Toulouse II - Le Mirail
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Anne-Laure Méril-Bellini delle Stelle: Rezension von: Ludo Milis: L'homme médiéval et sa vision du monde. Ruptures et survivances, Turnhout: Brepols 2017, in: sehepunkte 18 (2018), Nr. 7/8 [15.07.2018], URL: https://www.sehepunkte.de
/2018/07/31363.html


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Ludo Milis: L'homme médiéval et sa vision du monde

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Dans ce petit ouvrage, publié en néerlandais en 2011, le spécialiste de l'Église médiévale Ludo Milis propose de s'interroger sur l'univers de l'homme médiéval, les perceptions et les représentations qu'il en a. Dans l'avant-propos (9-14), Milis précise son objectif inscrit dans une démarche d'anthropologie historique. En trois brefs chapitres, il entend rendre compte de la complexité des réalités de la Chrétienté du Moyen Âge central, en s'appuyant sur de nombreuses sources narratives rédigées pour la plupart par des hommes d'Église - textes et auteurs présentés dans de courtes notices (161-167) -, tout en réduisant nettement l'appareil critique (les notes infrapaginales sont peu nombreuses et il n'y a pas de bibliographie). En effet, comme Georges Duby dans ses dernières œuvres, Ludo Milis ambitionne moins d'exposer des résultats de recherche que de lancer des pistes de réflexion permettant de mieux appréhender la société médiévale dans sa globalité et ainsi de scruter les "valeurs et normes de l'homme médiéval et (de) leur impact sur son comportement" (11) - valeurs et normes médiévales qui demeurent présentes dans le monde actuel comme le conclut Milis dans la postface (157-159).

Le premier chapitre "Au nom du Père" (15-63) rappelle combien l'Église chrétienne occidentale méprisait les croyances religieuses contemporaines - tant le judaïsme et l'islam que les Églises chrétiennes d'Orient et les hérésies chrétiennes - alors même que ses propres dogmes et pratiques étaient souvent issus d'une transformation et d'une appropriation d'anciennes croyances païennes, qu'elle ne put d'ailleurs totalement résorber.

Le deuxième chapitre "Le prix de l'infamie" (65-111) aborde un thème qui peut paraître suranné aux yeux des médiévistes en discutant la place et le rôle de l'honneur dans la société médiévale, les valeurs et les conduites concomitantes. Toutefois, Ludo Milis dépasse cette approche et rejoint des problématiques historiographiques plus récentes développées par les shame studies, en se penchant également sur les sujets de la honte, de l'infamie et de la culpabilité au cœur des rapports sociaux au Moyen Âge. Il souligne ainsi combien les comportements, aussi bien religieux que politiques ou économiques, étaient soumis à de lourdes injonctions sociétales pesant aussi bien sur le sommet de la hiérarchie sociale que sur sa base.

Le dernier chapitre "Flirter avec l'au-delà" (113-155) examine la complexité de l'univers médiéval ouvert sur l'au-delà et, conséquemment, Milis explique les difficultés des médiévaux à interpréter un monde marqué par une inéluctable décadence avant le Jugement dernier et régulièrement troublé par les interventions du démon ou de Dieu.

Cet ouvrage constitue donc un outil très utile pour les étudiants soucieux de s'initier à l'anthropologie de la Chrétienté médiévale tout en côtoyant de nombreuses œuvres d'art à travers de multiples photos en noir et blanc, mais aussi des auteurs classiques du Moyen Âge dont certains textes de référence sont disponibles directement en ligne. C'est de plus un livre stimulant pour les historiens plus expérimentés désireux de confronter leurs idées aux questionnements systémiques de Ludo Milis.

Enfin, ce volume montre combien l'historien est parcouru par son enquête scientifique et combien, pareillement, sa quête de sens historique est modelée par lui. Les hésitations de Milis vis-à-vis du titre à donner à sa publication, évoquées dans la postface, témoignent précisément de cette symbiose délicate entre l'historien et "son" histoire et on ne peut que souhaiter à ses lecteurs de connaître le même bonheur intellectuel.

S'il y a un bémol à formuler, il tient essentiellement à la qualité de l'édition avec notamment des variantes récurrentes sur l'emploi des majuscules et des minuscules, comme par exemple pour le terme Moyen Âge (par exemple, page 148 les deux orthographes coexistent sur la même page).

Anne-Laure Méril-Bellini delle Stelle