Rezension über:

Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2015, XI + 341 S., ISBN 978-1-4214-1762-2, USD 55,00
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Rezension von:
Yann Le Bohec
UFR d'Histoire, Université Paris IV - Sorbonne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Yann Le Bohec: Rezension von: Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2015, in: sehepunkte 17 (2017), Nr. 2 [15.02.2017], URL: https://www.sehepunkte.de
/2017/02/29649.html


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Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity

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Dès la première page, les dames éditeurs de cet ouvrage disent clairement qu'elles ont adopté une démarche intellectuelle conforme aux "gender studies" (1), une orientation actuellement à la mode. Conscientes que les femmes ne sont pas faites pour la guerre, elles se rattrapent en constatant qu'elles se rencontrent fréquemment dans son environnement: elles sont présentées, dans des descriptions hélas écrites par des hommes, comme causes, enjeux et victimes le plus souvent, rarement comme bénéficiaires. Rappelons que les "gender studies", dont la papesse est Judith Butler, se définissent par une affirmation: le sexe est social, et pas biologique.

Seize communications ont donné naissance à ce livre. Après une introduction claire, les deux premières parlent de l'Iliade, le texte fondateur des conceptions de la guerre élaborées dans l'Antiquité (Ph. Rousseau et M. Nappi). Puis Th. Fuhrer dit comment une femme voyait la bataille depuis le rempart: Hélène, Antigone et Médée ont vécu cette situation. C'est l'occasion de rappeler le fameux Dulce et decorum d'Horace, qui n'était pas qu'un épicurien (55). À côté du réel se place l'imaginaire, et la décoration des vases grecs à figures noires, parfois aussi à figures rouges, fait connaître un type de représentation banal, où l'on voit la femme qui habille le guerrier (F. Lissarrague). La tragédie décrit un autre aspect; elle met en scène les guerres de Thèbes, où se retrouvent Jocaste et Antigone (L. Bruit Zaidman). Dans un autre domaine de la littérature, l'œuvre de Sénèque rappelle que le contrôle des émotions est nécessaire (J. Fabre-Serris).

Un article de F. Bessone, consacré à l'œuvre de Stace, oppose l'amour, caractéristique de la femme, aux armes, propres à l'homme. À notre avis, cette interprétation est très juste et fondamentale. Dans l'Antiquité, la femme est la vie, et l'homme la mort. Elle enfante, il tue. De ce fait, elle était précieuse pour la survie du groupe, d'autant plus que les accouchements s'accompagnaient d'une forte mortalité. Elle était rare, c'est pourquoi elle n'allait pas à l'ennemi. De plus, quelques spécialistes des affaires militaires pensent qu'elle est moins propre à cette activité, parce qu'en moyenne sa masse musculaire est inférieure (M. Van Creveld, Les femmes et la guerre, Monaco, 2002). À défaut de combattre, la femme pleure son amoureux parti faire campagne, thème qui a inspiré Tibulle et Properce (A. Keith). Elle n'est pourtant pas à l'écart du processus guerrier, du moins dans la poésie épique (A. Sharrock).

Après des communications qui se caractérisent par une dominante littéraire, les suivantes relèvent davantage de l'histoire, et P. Ducrey les ouvre en rappelant que, hors les personnages mythiques, les femmes n'intervenaient directement que dans la bataille de rues (190-191): elles bombardaient les assaillants depuis le haut des toits. Ses collègues ont eu du mal à trouver des guerrières en chair et en os, hors Tomyris, reine des Masagètes, et ses homologues de Carie, plus ou moins mythiques au demeurant (P. Payen et V. Sebillotte Cuchet). Quant à la célèbre Fulvie, elle a poussé au conflit armé pour défendre les intérêts politiques de Clodius; sur des balles de fronde et dans des textes s'exprime une crudité latine (J. Hallett).

La question des femmes et de l'imperium a retenu l'attention de St. Benoist. Rappelons que l'imperium est par nature totalement religieux et qu'il est exclusivement romain. Dans ces conditions, la carthaginoise Didon, la bretonne Boudicca et la palmyrénienne Zénobie sont des barbares, et elles servent de contre-exemples. L'épisode de Boudicca rappelle que les Celtes ont accordé aux femmes une place exceptionnelle; Chiomare et Éponine (absentes de l'index) le prouvent. Les Bretons ont été gouvernés très tard par des reines, et, si l'on cite Boudicca pour les Icéniens, il convient de lui ajouter au moins Cartimandua, chez les Brigantes. Autre remarque: nous ne croyons pas à la faiblesse du régime, «the weakness of the regime», en 14 après J.-C. (271): en effet, cette monarchie a encore duré quelques siècles. Enfin, pour la période tardive, Claudien a utilisé la femme et la féminité dans la description des guerres de son époque (H. Harich-Schwarzbauer). Il est dommage que n'ait pas été invité à cette rencontre un spécialiste de s. Augustin; et pourtant, il n'en manque ni en France, ni ailleurs. Le premier livre de La Cité de Dieu définit très clairement le ius belli et la consuetudo bellorum pour les femmes de vaincus: l'esclavage, le viol, toujours, et parfois la mort.

Ce colloque, qui offre un grand intérêt par ses multiples apports, pourrait être suivi par un second qui ferait une place plus grande aux archéologues et aux spécialistes d'histoire militaire, représentés ici par les seuls F. Lissarrague pour les uns, et P. Ducrey pour les autres. La bibliographie sur ce sujet est pauvre (303-327). On n'y trouve guère, bien isolée, que la Cambridge History of Greek & Roman Warfare. Elle aurait pu accueillir le Companion to the Roman Army (P. Erdkamp, Malden-Oxford, 2007) et l'Oxford Handbook of Warfare (B. Campbell et L. A. Tritle, Oxford, 2013), etc. Les auteurs n'ont pas pu consulter l'Encyclopedia of the Roman Army (Malden-Oxford, 2015), où l'on trouve une très petite notice intitulée Women, très éloignée des préoccupations chères aux "gender studies".

L'archéologie peut aussi apporter sa contribution au débat. Un dialogue s'est établi entre S. James et P. M. Allison qui, précisément, prône l'utilisation des "gender studies" pour sa discipline (Archaeological Dialogues, 13, 1, 2006, 1-48). Ils pensent, contre l'avis des hellénistes-latinistes, que des femmes vivaient dans les camps de l'armée romaine. Il serait intéressant qu'ils rencontrent des littéraires. La papyrologie peut également apporter des informations sur le niveau de culture des femmes de soldats en Égypte (elles étaient analphabètes) et sur la prostitution au service des militaires (Didymoi, II, H. Cuvigny édit., Le Caire, 2012).

La question des "gender studies" appelle une dernière remarque avant la conclusion. Ces enquêtes proposent de partir d'une idéologie, comme jadis le marxisme, auquel semble succéder ce féminisme. Comme toutes les théories, elle mérite le respect. Comme toutes les théories, elle suscite les discussions. Son principal intérêt est d'attirer l'attention sur le rôle que les femmes ont joué dans l'histoire.

Résumons le colloque de Mmes Fabre-Serris et Keith. Il attire l'attention sur les femmes, qui ne prenaient pas les armes sauf dans les mythes et, quand elles exerçaient des commandements, elles appartenaient à des peuples barbares ou elles avaient adopté un comportement déviant. Elles étaient mères, épouses et filles de soldats, ou filles à soldats. La plupart des communications sont intéressantes, voire très intéressantes. C'est une lecture que nous recommandons.

Yann Le Bohec