Martin Aurell / Yves Sassier: Autour de Philippe Auguste (= Rencontres; 285), Paris: Classiques Garnier 2017, 220 S., ISBN 978-2-406-06738-2, EUR 32,00
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Le présent volume rassemble les communications de la journée d'études intitulée «Autour de Philippe Auguste», organisée le 23 septembre 2014 à l'Institut Catholique d'Études Supérieures (ICES) de La Roche-sur-Yon. La manifestation s'insérait au sein d'une série de colloques consacrés à la commémoration d'un triple événement en la décennie 14: la victoire de Bouvines en 1214, les États généraux de 1614, la première abdication de Napoléon en 1814. L'ensemble était placé sous la dynamique du thème «La puissance de la volonté». On le voit d'emblée à la lecture du titre: commémorer le huitième centenaire de Bouvines n'était pas seulement évoquer la bataille mais bien ouvrir sur le règne d'un grand roi (1180-1123) et de son temps, que John W. Baldwin avait autrefois appelé «Le moment Philippe-Auguste». Sous prétexte de cette thématique, le volume est en réalité un hommage à la mémoire du grand historien américain, John Baldwin, décédé quelques mois après le colloque, en 2015.
Neuf contributions encadrées d'une introduction des organisateurs et d'une conclusion d'un philosophe, tendent à mettre à jour les acquis récents de la recherche autour de Philippe Auguste. En réalité, comme souvent, chaque historien, spécialiste de son champ, questionne le sujet pour y trouver des éléments d'analyse relatifs à la commande. Ainsi, Yves Sassier, dont la biographie sur Louis VII date de 1991, reprend les éléments de «L'héritage paternel». Martin Aurell relit, dans un prolixe article d'une quarantaine de pages, l'histoire des Plantagenêt pour la mettre en lien avec la figure de Philippe Auguste. Olivier Hanne, spécialiste d'Innocent III, procède de même. Xavier Hélary, historien de l'armée du roi de France, présente «Les ressources militaires de Philippe Auguste». Elisabeth Carpentier et Georges Pon qui avaient édité Rigord en 2006, reprennent quelques points de leur introduction d'alors. Catalina Girbea interroge les sources littéraires à la cour de Philippe Auguste.
L'ouvrage est donc commode dans la mesure où il rassemble en un seul volume quelques mises au point récentes. L'ensemble, pourtant, reste daté tant il est vrai que le sujet est, historiographiquement parlant, consubstantiel à cette histoire politique pratiquée au XXe siècle. Le maître-ouvrage cité dans les notes de bas de pages reste le livre de John Baldwin, Philippe Auguste (Paris, 1986, rééd. 1991). Le reste des notes traduit une littérature, dans le meilleur des cas synthétisée dans les années 1980-1990, dans le plus ancien des cas évoquée chez les grands historiens de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle: reviennent en effet dans de nombreuses contributions les noms de Robert-Henri Bautier, Olivier Guyotjeannin, Jean Richard, Philippe Contamine, Georges Duby, Yves Sassier, Peter Lewis, Jean Gaudemet; et encore, Robert Fawtier, Maurice Powicke, Marcel Pacaut, André Gouron, Yves Renouard, André Debord, Charles-Victor Langlois ou Henri-François Delaborde. La veine, on l'aura compris, reste de facture très classique et l'ouvrage reflète plus une génération historiographique et une manière d'écrire l'histoire politique que la recherche la plus récente en faisant le choix de n'en intégrer aucune des tendances fortes de type histoire globale, histoire connectée, histoire des émotions, histoire culturelle ou retour de l'économique, pour ne prendre que quelques exemples. Les titres les plus récents n'y figurent pas comme la biographie sur Philippe Auguste par Bruno Galland en 2014, moins encore le collectif sous la direction de Pierre Monnet, Bouvines 1214-2014 - Histoire et mémoire d'une bataille, de 2016; rien non plus - et pour cause - sur la toute dernière monographie de Dominique Barthélémy sur La Bataille de Bouvines. Histoire et légendes, parue en avril 2018, qui, à sa manière après Georges Duby (1973), démystifie l'événement, suggérant la dramatisation à dessein par la propagande capétienne. Pour D. Barthélémy, il fallait donc semble-t-il en finir avec Bouvines, vraisemblablement pour en finir avec une certaine histoire politique manière XXe siècle, peut-être celle dont le présent volume se veut la mémoire.
Bénédicte Sère